2025, année de la culture : Où est passée notre souveraineté linguistique ?
En cette année 2025, dédiée principalement à la culture par les autorités maliennes, la langue maternelle qui en est l’un des supports mérite qu’on lui accorde la place de choix qui lui échoit.
Comment un peuple qui, en plus de la mendicité alimentaire, est réduit à mendier les langues de ses ex- fossoyeurs ? Peut-il se faire entendre, a fortiori sur le même pied d’égalité que ceux dont il n’est ni plus ni moins que le promoteur de la culture et du mode de vie ?
Feu François Mitterrand, contrairement à ce qu’on entend depuis sa disparition, n’a pas fait grand-chose pour l’Afrique. Toutefois, il a dit une vérité qui interpelle les dirigeants et le peuple africain : « Un peuple qui a cessé de parler sa propre langue est un peuple qu’on ne peut plus entendre. »
Autrement dit, c’est un peuple mort au sens propre du terme. A nos yeux, cela signifie que ce peuple a sa place au cimetière. C’est pourquoi à la question de savoir quelle sera la place de l’Afrique au XXIè siècle, nous aurions envie de dire que sa place risque d’être celle d’un peuple mort, si des conditions réelles d’une résurrection culturelle et linguistique ne sont pas offertes à la future génération africaine. Entre autres, une réforme, plutôt une révolution culturelle qui revaloriserait les langues africaines ( qu’elles deviennent par exemple des langues d’enseignement dans les écoles et les universités, ainsi que de véritables langues nationales et administratives) sans cette révolution salutaire, il est à craindre que l’Afrique du XXIème siècle, comme l’ont dit plusieurs participants du symposium, ne connaisse ni essor économique ni essor scientifique, encore moins de progrès politique (démocratique) notable. Les Africains resteront dans le meilleur des cas, comme aujourd’hui, des faire- valoir (francophone exception culturelle française) de leurs anciennes puissances coloniales. La preuve de l’un de nos paradoxes au Mali est comment s’entonne l’hymne national, présentement, à Koulouba, dans les 19 régions administratives du Mali, dans les établissements préscolaires, primaires, secondaires et supérieurs, tôt le matin, pendant la montée des couleurs ? En français bien sûr. Certes, l’auteur de cet hymne, Seydou Badian Kouyaté l’a écrit dans la langue de Molière.
Fort heureusement, l’émérite linguiste Arouna Barry, qui a présidé aux destinées de la DNAFLA (Direction nationale de l’alphabétisation fonctionnelle et de la linguistique appliquée) en 1991, en a réalisé une traduction fidèle en bamanankan, bien avant 1990. Alors pourquoi continuons-nous à l’entonner dans la langue de Molière, alors qu’il existe dans la version de la langue de Tientiguiba Danté ? Où est passé notre souveraineté linguistique en cette année 2025 de la culture ?
Par ailleurs, à notre sens, par exemple, nous constatons que lors de la grand-messe de l’ONU, tous les mois de septembre, les dirigeants africains, pour la plupart, à la tribune s’expriment ou en français, ou en anglais ou en portugais ou en espagnol, au grand dam des langues africaines. Pourtant, nous nous prévalons d’être souverains. Linguistiquement parlant !
Mohamed Koné
SOURCE : Africa N°298
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