Abus: silence,Orange Mali piétine les droits du travail de ses employés

Au Mali, la multinationale Orange ne se limite plus au piétinement des droits élémentaires et fondamentaux dévolus à ses travailleurs « intérimaires ». Ses responsables font également dans la défiance à l’autorité de l’État au point que les injonctions et directives, de structures techniquement aptes à leur faire des remontrances, restent nulles et sans effets.

 La catégorie de travailleurs à Orange Mali connue sous l’appellation « Les intérimaires » broie du noir depuis de longs mois. Trainée dans la boue au mépris de ses droits fondamentaux, cette composante estimée à environ 900 à Orange Mali, ne dort plus que d’un œil craignant d’être mise à la porte, comme ce fut le cas déjà pour plusieurs dizaines d’employés.

 

Traités selon les humeurs de l’employeur et chassés abusivement comme la peste, ces employés ne savent pas à quel saint recourir. La saisine de l’inspection du travail, qui leur avait pourtant procuré une lueur d’espoir, s’est avérée inopérante.

 

Le licenciement des 700 vendeurs est encore frais dans la mémoire.

 

L’origine du drame

 

Plusieurs entreprises font en effet recours à des sociétés de placement pour se doter en personnel ou personnes ressources qualifiées. Une sorte de contournement de la loi, foncièrement préjudiciable aux droits du prestataire. De nombreux abus vis-à-vis des employés mis à disposition des entreprises y découlent. En la matière, Orange Mali offre un spectacle ahurissant.

L’équipe dirigeante actuelle de la société au Mali ne semble pas étrangère à tout cela. La situation des intérimaires constitue une grosse épine dans ses pieds. Mais les responsables de la multinationale semblent s’y prendre avec la pire des manières.

Arrivée il y a un peu plus de 2 ans, la nouvelle direction phagocyte tous les droits dus aux intermédiaires. La moindre revendication de droits pour les travailleurs se heurte au mur épais de l’indifférence.

 

A ce jour, Orange Mali compte dans son rang plusieurs centaines de travailleurs intérimaires qui trainent des anciennetés allant jusqu’à 20 ans et dont la régularisation ne préoccupe guère la direction générale. Plusieurs sources anonymes, au sein de l’entreprise, laissent comprendre que la régularisation à Orange Mali se fait sur la base du clientélisme et du népotisme. « Rarement les méritants sont récompensés. On vous confirme en catimini sans que vous le sachiez, un numéro est donné. Tout est géré dans le secret des dieux ». De ce que nous avons pu observer auprès de nos sources, Orange Mali récompense rarement de bons et loyaux services. Surtout quand cela provient de travailleurs estampillés « intérimaires ». Et, le quelconque bras de fer engagé par les ayant droits n’ont jamais abouti.

 

Vis à vis du code du travail, la violation est tangible. L’issue de deux ans de prestation donnent en effet nettement droit à un contrat de travail si l’entreprise refuse de libérer le travailleur intérimaire. Hélas !

 

L’avis technique du directeur national du travail, émis le 24 janvier 2024 et adressé au directeur général de Orange Mali, resté lettre morte confère tous les droits aux intérimaires. Revenant point par point sur les entorses ou violations vis-à-vis des travailleurs, le directeur national du travail, Ben Abdoulahi Ibrahim Tahar, égrène une batterie d’issues et de perspectives aidant la multinationale à se ressaisir.

Le DNT insiste sur le lien de subordination juridique qui existe dans les faits entre Orange et les intérimaires. Ce qui procure à ces derniers les mêmes droits que les employés permanents de Orange.

« Le contrat qui lie Orange aux intérimaires est un contrat de travail », signale la lettre.

Et d’enchainer : « de telles pratiques exercées depuis des années par Orange Mali et les sociétés de placement impliqués contraires à la loi sont constitutive d’une forme déguisée de dissimulation du travail ». « En conséquence de tout ce qui précède, je vous demande de bien vouloir mettre les intéressés dans leur droit, conformément aux dispositions législatives et règlementaires en vigueur », conclut le courrier du DNT.

 

L’imposture des sociétés de placement

 

Les deux agences de placements, créditées par Orange Mali, se partagent plusieurs centaines de travailleurs mis à disposition de la multinationale en qualité d’intérimaires.

 

Un courriel remontant à novembre 2023 adressé aux intérimaires par l’agence de placement CEI, fais comprendre qu’une centaine de prestataires sont dans le piège de Orange Mali et son complice.

 

A l’origine de la connexion entre Orange Mali et les intermédiaires, CEI se cache derrière les termes du contrat qui le lie aux prestataires pour refuser à ces derniers des droits fondamentaux et vitaux.

 

Selon nos vérifications, cette catégorie de travailleurs rase les murs à Orange Mali. Évalués au même titre que les permanents, soumis à la même intensité de travail et aux mêmes obligations, les intérimaires ne devrait-ils pas jouir des mêmes avantages et prérogatives que ces derniers.

 

« Nous sommes mis à l’écart quand il s’agit de distribuer à tour de bras en interne des téléphones, forfaits de communication, primes de restauration, prêts véhicule, prêts habitats… », assure une de nos sources sous anonymat.

 

Les cas de modification substantielle et unilatérale du contrat sont légion et ont eu comme conséquence directe la reduction du salaire de plusieurs dizaines d’entre eux.

« Les intérimaires ne bénéficient d’aucun avantage en dehors du salaire, lequel d’ailleurs est amputé à entre 10% et 20% par le cabinet de placement qui sert d’interface », confie un agent de terrain à Orange Mali.

 

Recruté en 2013 comme intérimaire, un de nos interlocuteurs jouit d’une ancienneté de 14 ans. Malgré tout, il reste sous le même statut de travailleur intérimaire, sans autres avantages que les « broutilles » qui lui sont versées à la fin du mois en guise de salaire.  Il n’est pas seul. Ils sont plusieurs centaines à connaitre ce sort jugé cruel et inhumain.

 

Selon nos informations, le pécule mensuel des intérimaires transite dans les comptes de la société de placement avant d’être versé chez l’employé.

 

L’actuelle directoire d’Orange Mali ne veut rien entendre. Surtout quant à l’épineuse question de la régularisation de cette composante perçue comme la masse laborieuse dont l’apport tire la société vers le haut. Nos tentatives pour l’approcher, dont un courrier déposé mercredi 28 février 2024, aux fins de recueillir sa version se sont soldées en échec. La multinationale ne semble habitée que par le dessein de faire du profit en vouant aux gémonies ou encore en bradant le sacrifice ultime des siens.

 

Se refusant à tout commentaire sur le dossier par crainte de probables représailles, les intérimaires ont abandonné leur destinée aux mains de l’Organisation syndicale des travailleurs de Orange Mali (OSTOM) qui seul semble défendre le dossier avec opiniâtreté.

 

La crise des intérimaires est en effet secondée par un autre malaise non des moindres à Orange Mali. La liberté syndicale y est entravée, en témoigne des actions de représailles de la direction générale traduites par des reclassements et autres décisions fortes impactant négativement l’environnement du travail.

 

Le Secrétaire général adjoint de l’OSTOM, Eric Keïta, se fait le devoir absolu de mentionner dans toutes ses sorties « la situation illégale, injuste et arbitraire » infligée aux intérimaires. Pis, le syndicaliste pointe du doigt des anecdotes tangibles d’entraves à la liberté syndicale. Entre menace de licenciement et marginalisation, les syndicalistes peinent à faire aboutir leur combat au bonheur de la couche la plus fragile de la boite.

 

Le gouvernement de transition, sollicité maintes fois à accourir à la rescousse, s’invitera-t-il dans ce grabuge susceptible de se ramifier sur des proportions inquiétantes et d’exploser de la pire des manières.

 

Par David Dembélé

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