64ème anniversaire de l’Indépendance sous le signe de la «résilience et de la reconquête» Ce qu’Assimi Goïta n’a pas dit
De Kayes à Kidal, les Maliens ont commémoré le 64ème anniversaire de l’accession de leur pays à l’Indépendance, avant-hier dimanche 22 septembre 2024. Une cérémonie digne de la tradition a été consacrée à l’événement et s’est déroulée à la place d’armes du 34e Bataillon du Génie Militaire, avec à la clé un défilé militaire des grands jours. C’était sous les regards vigilants du Président de la Transition, Col Assimi Goïta, entouré pour la circonstance de la hiérarchie militaire au grand complet avec à sa tête le ministre de la Défense et des Anciens combattants, Col Sadio. La communion a également fortement mobilisé dans les rangs du gouvernement de la Transition, des chefs d’institution ainsi que du corps diplomatique accrédité au Mali. Venus pour témoigner de la montée en puissance des FAMa, une foule impressionnante de concitoyens encore acquis aux autorités de la Transition a également pris d’assaut l’enceinte du Génie militaire. Sauf que le commandement militaire, contre toute attente, n’a pas jugé opportun d’exhiber son arsenal et le public a dû se contenter d’une simple parade militaire suivie de sauts de parachutistes et du passage de quelques avions de combat acquis dans le cadre de la réhabilitation de l’armée.
En prélude à la parade militaire, le chef de l’Etat, comme à l’accoutumée, a d’abord sacrifié au traditionnel dépôt de gerbe au Monument de l’indépendance au rythme de l’hymne national.
Tout en plaçant l’événement sous le signe «de la grande résilience et de la reconquête du territoire national», le Chef de l’Etat ne tarissait pas de reconnaissances et d’éloges à l’endroit des pères de l’indépendance, notamment Modibo Keita et compagnons, pour avoir «tracé la voie de l’honneur et de la dignité il y a 64 ans». Et d’insister dans son adresse à la Nation sur le contexte d’une commémoration «marquée par la lutte contre le terrorisme». Sur la question, la détermination des hautes autorités à vaincre l’insécurité, selon le chef suprême des armées, va se traduire par le déploiement des moyens appropriés, la poursuite des efforts d’équipement de l’armée et de renforcement de ces capacités opérationnelles par l’amélioration des conditions des hommes. Participe de la même dynamique la mutualisation des capacités dans le cadre de l’Alliance des Etats du Sahel qu’il s’engage à poursuivre. L’adresse du président de la Confédération AES intervient quelques mois après les succès engrangés avec la reprise de contrées aux groupes armées qu’il met au compte de la reconquête de l’intégrité territoriale du pays. Un motif de jubilation pour Assimi Goïta qui se réjouit dans la foulée d’un retour progressif de l’administration et des services de l’Etat dans les zones libérées.
Quant aux récentes attaques ayant récemment ciblé l’école de gendarmerie de Faladié et le site aéroportuaire de Bamako, elles ont inspiré au chef de l’Etat un appel à la «vigilance» et à la «posture opérationnelle exemplaire en toutes circonstances». Tout en demeurant fidèle à son mutisme sur le bilan desdites attaques, Assimi Goita n’a pas manqué d’en dénoncer la barbarie et de saluer la mémoire «d’innocents lâchement assassinés» avant de louer «le professionnalisme des forces d’intervention».
Admettant par ailleurs les implications économiques de la crise sécuritaire et l’augmentation des dépenses militaires au détriment d’autres secteurs, le président de la Transition rassure quand même de la ferme volonté des autorités à travailler inlassablement pour améliorer les conditions de vie de l’ensemble des Maliens. C’est dans cette dynamique que s’inscrit, aux yeux du président de la magistrature suprême, la relecture du Code pénal, du Code de procédure pénale, ainsi que l’adoption du projet d’ordonnance portant statut de la magistrature à l’effet de rendre la justice plus efficace, accessible et respectueuse des droits des citoyens. Et d’annoncer, dans la même veine, la poursuite des aménagements hydro-agricoles pour une exploitation durable des potentiels des fleuves Niger et Sénégal, pour un Mali agricole résilient et prospère.
Quant aux implications économiques de la crise énergétique qui affecte les différents secteurs d’activités, elles sont passées sous le boisseau en même que le retour à l’ordre constitutionnel qui piétine après quatre ans de transition. Ça ne sont pas les seuls aspects éclipsés par le mirage souverainiste et les choix stratégiques conçus par des autorités sans mandat pour décliner la volonté du peuple. Sont également demeurées sans réponses les nombreuses interrogations des Maliens sur les déplacements massifs forcés de leurs concitoyens du Centre, les innombrables écoles fermées et enfants déscolarisés, les villages incendiés à défaut de consentir un tribut aux occupants djihadites qui nuancent la souveraineté nationale par le contrôle partiel du territoire, pas plus que la reconquête du territoire n’est biaisée par la partition de supplétifs dans la reprise de contrées aux mains des mouvements signataires de l’Accord. Les questionnements sans réponse ne portent pas moins sur les conséquences de la résiliation unilatérale de cet accord sur le processus d’édification de la nation ainsi que sur le péril que font peser sur la cohésion nationale les frustrations de concitoyens laissés en rade du processus de réconciliation nationale ou contraints à l’exil par les persécutions judiciaires, sans compter les amertumes que pourraient laisser les privations ou restrictions de libertés collectives et individuelles, etc.
Il en résulte, en définitive, une fête d’indépendance marquée par une dissonance manifeste entre autorités et administrés sur les préoccupations de l’heure et, par ricochet, une souveraineté plus profitable à l’Etat qu’â ses sujets alors que le confort de l’un devrait normalement découler de la volonté des autres.
Amidou Keita