GRADES EXCEPTIONNELS : Quand les Généraux divisent plus que les Colonels

Rendez-vous est pris aujourd’hui lundi après-midi, selon un programme protocolaire officiel d’Etat rendu public ce week-end, pour la remise solennelle des attributs de généraux. La cérémonie se déroulera au Palais de Koulouba où le président Assimi Goïta ainsi que les autres acteurs du CNSP seront définitivement élevés à leurs grades respectifs d’officiers généraux. En plus du colonel Assimi Goïta devenu général d’armée, les quatre autres colonels ont tous exceptionnellement accédé au grade de général de corps d’armée, tandis que le gendarme – ministre Abdoulaye Maïga savourera son ascension spectaculaire de colonel à Général de division obtenue dans les mêmes conditions que celles d’un certain Keba Sangaré, précédemment Général de brigade. La cérémonie de leur consécration promet d’être fastueuse et la saveur pourrait se juger à l’ardeur zélatrice avec laquelle le secrétaire général de la Présidence de la République pour vite graver les nouveaux attributs du plus haut gradé de l’armée malienne dans la tradition protocolaire. Ainsi, pendant les appels de la cérémonie d’aujourd’hui, il faut s’apprêter à entendre aujourd’hui une formule protocolaire inédite suivante :  «Le général d’Armée Assimi Goïta, président de la Transition, chef d’Etat de la République du Mali». Sauf que ce nouvel emphatique contraste manifestement avec la salve de diatribes et de réserves ayant accueilli le self-service des nouveaux généraux. Que leur démarche tire argument des recommandations du Dialogue National Inter-Maliens n’a point empêché une frange conséquente de l’opinion de s’interroger sur sa pertinence ainsi que sa convenance avec la bienséance et la modestie. Sur le sujet, la polémique monte entre les contempteurs et les soutiens de la mesure, sur fond de rappel de cas similaires dans l’histoire de la troisième République – notamment ceux d’ATT et d’Amadou Aya Sanogo qui ont toutes deux avancé sous une signature différente des leurs.
La polémique enfle tout aussi bruyamment quant à sa conformité avec la législation en vigueur sur les statuts des militaires, dont les dispositions sont sans équivoque sur les critères de l’avancement à titre exceptionnel : il faut avoir passé une formation d’école de guerre ou supérieur équivalent, soit se prévaloir d’une prouesse ou d’un sacrifice remarquable sur le théâtre. Or le passage en force au sommet de l’armée intervient dans un contexte où le savoureux arrière-goût de Kidal laisse progressivement aux amers épisodes sanglants de Tin-Zeouaten et de Bamako. Autant d’indices révélateurs de contre-performances sécuritaires auxquels s’ajoutent le dramatique tableau des personnes déplacées, des villages et de cultures incendiés, d’animaux emportés, de contrées contraints à l’allégeance islamistes, etc. Sur le terrain politique, la quasi-unanimité dont jouissait les colonels était déjà si fortement nuancée dans l’opinion par la mal-vie infligée aux Maliens depuis 4 ans, sur fond d’austérité énergétique, de hausse des prix, d’agonie entrepreneuriale et d’incertitude collective. À en juger par le désaveu populaire et la polémique qu’elle alimente, la mesure exceptionnelle n’a pas entraîné qu’une perte de sympathie, mais une dilapidation de ce qu’il restait de l’estime qu’on leur portait par simple complaisance. L’ampleur du rejet se juge aussi à la profondeur de la dichotomie provoquée entre Maliens, qui serait peut-être moins prononcée si les Généraux étaient restés Colonels.

A. KEÏTA

le Témoin

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