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Discours de haine à caractère religieux : une bombe à désamorcer

Au Mali, les réseaux sociaux sont devenus le théâtre de discours de haine à caractère religieux, exacerbant les tensions dans un contexte déjà fragilisé par l’insécurité et les attaques terroristes.

Le vendredi 3 janvier 2025, le révérend Michel Samaké a comparu devant le procureur Adama Coulibaly pour répondre à des propos jugés offensants envers le prophète Mahomet. Ses déclarations, largement relayées et manipulées sur les réseaux sociaux, ont été perçues comme une riposte à des discours malveillants envers les chrétiens. Ces derniers avaient été tenus par deux imams également interpellés par le procureur pour cybercriminalité : Abdoulaye Koita et Mayi Ouattara.

Un climat tendu marqué par des interprétations divergentes

Tout a commencé à la veille des célébrations de fin d’année. Lors d’un prêche, Abdoulaye Koita a déclaré qu’un musulman ne devait pas participer aux festivités chrétiennes, les considérant comme une forme d’adoration non conforme à l’islam. Ces propos, bien que sortis de leur contexte selon certains spécialistes en fact-checking, ont alimenté la controverse sur les réseaux sociaux.

Cependant, cette position ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté musulmane. Iba Haïdara, fils du célèbre guide religieux Ousmane Madani Haïdara et président du Haut Conseil Islamique, a appelé les musulmans à célébrer aux côtés des chrétiens dans un esprit de vivre-ensemble. À titre symbolique, il s’est rendu dans une église lors de la nuit du 31 décembre 2024, affirmant que cette démarche s’inscrit dans une vision humaniste et inclusive.

Cette posture d’ouverture, souvent associée à un islam modéré, s’oppose à l’approche plus rigoriste défendue par certains courants wahhabites.

Une escalade sur les réseaux sociaux

Dans le même contexte, une vidéo du révérend Michel Samaké est devenue virale. Dans cet enregistrement, il qualifie le prophète Mahomet « d’homme de péché », suscitant une vague d’indignation parmi des leaders religieux musulmans. Ces réactions, souvent véhémentes, ont été amplifiées par l’espace virtuel, rendant la situation encore plus explosive.

Les appels à la responsabilité

Face à cette montée des tensions, la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) a publié un communiqué appelant les autorités à prendre des mesures contre la prolifération des discours de haine, notamment ceux à caractère religieux.

« Face à ces actes attentatoires à la dignité humaine, la CNDH rappelle à l’État sa responsabilité première de protéger les populations et appelle celles-ci à s’abstenir de tenir ou de diffuser tout discours de haine, particulièrement ceux à caractère religieux », peut-on lire dans le communiqué.

Un risque de déstabilisation accru

Dans un pays où la religion joue un rôle prépondérant, les discours de haine à caractère religieux représentent une menace grave. Ce phénomène pourrait être exploité par des groupes terroristes qui cherchent à imposer la charia et à diviser davantage la société malienne.

Pour mémoire, en août 2009, le Haut Conseil Islamique, sous la direction de Mahmoud Dicko, avait organisé une mobilisation massive contre l’adoption d’un code de la famille jugé contraire aux principes religieux. Cet épisode illustre le poids considérable de la religion dans la sphère publique au Mali.

Plus récemment, les terroristes ont ciblé des figures religieuses influentes, comme Tierno Amadou Hady Tall, guide religieux de la confrérie Tijaniya, enlevé et dont le sort reste incertain malgré les rumeurs de sa mort.

Un défi pour les autorités

Il est impératif que les autorités maliennes prennent des mesures fermes pour désamorcer cette « bombe » des discours de haine religieux, qui menace à la fois la cohésion sociale et la sécurité nationale. Une réponse équilibrée, impliquant un dialogue entre les communautés religieuses, une régulation des réseaux sociaux et une sensibilisation à la tolérance, est indispensable pour préserver l’unité nationale.

Modibo FOFANA
Source : Mali24

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