CEUX QUI FONT BOUREM (22) : SAFIATOU ALASSANE, GARDIENNE DE VIE À BOUREM
Dans les ruelles sablonneuses de Bourem, à l’ombre des grands événements de joie qui ont jalonné la Cité du Foghas, un nom revient toujours quand il est question de naissance : Aljada. Figure discrète mais fondatrice, elle a formé et légué un trio de matrones devenues des repères dans l’établissement sanitaire de Bourem.
Parmi elles, Safiatou Alassane Maiga est une survivante au parcours aussi humble qu’admirable, les deux autres étant Feue Kadidia Ousmane & Aïcha Abouba.
Née en 1974, épouse du regretté Moussa « Gocho », tailleur réputé de la région, Safiatou a grandi entre écoles improvisées et responsabilités précoces, cependant le cœur au bout des mains à la fin de son parcours ! Une femme droite et discrètement lumineuse.
Son parcours commence dans les bras d’une cousine pas comme les autres — Joséphine, une sage-femme blanche, fille d’un ancien commandant de l’armée française. C’est elle qui a recueilli Safiatou tout bébé, pour l’élever comme sa propre fille. Ensemble, elles vivaient entre Bamako et Koulikoro, entre modernité et racines, entre les bras de ses oncles et ceux de sa cousine adoptive.
Safiatou a grandi ainsi, bercée par les va-et-vient, les silences du passé et la tendresse d’une femme qui, bien qu’étrangère de peau, lui offrait un amour sincère. Elle ne reverra d’ailleurs sa mère biologique qu’après ses études, une rencontre empreinte d’émotion et de pudeur. Safiatou avait alors l’âge des promesses. Elle avait quitté sa mère à 4 ans. Elle la retrouvait en femme.
Mais le destin n’avait pas dit son dernier mot. Deux ans plus tard, c’est son père qui s’éteint tragiquement, lors d’un voyage en bateau vers Koulikoro, alors qu’il allait visiter un frère malade. Une page se tournait, silencieuse et douloureuse.
Malgré les blessures du passé, Safiatou est devenue une femme debout, tournée vers les autres. À Bourem, elle se forgera, par la fonction choisie, la réputation que seule la générosité peut sculpter des femmes enceintes, puisqu’au crépuscule de sa carrière et lorsque ses patientes et accompagnateurs arrivaient au centre de santé, on entendait bien en chœur : «Safi woyé bineyéna ! » — Safi au grand cœur ! Preuve qu’elle n’était pas seulement une sage-femme, mais une présence, un baume, une main chaude dans l’épreuve de ces femmes. À travers ses gestes sûrs et sa voix apaisante, elle offrait plus que des soins : elle offrait de l’humanité à ses compatriotes.
Aujourd’hui, Joséphine vit toujours, âgée mais entourée, dans la maison de l’une de ses filles à Sénou. Et Safiatou elle, vit à travers ses souvenirs, ses récits et les remerciements qu’elle entend de la part de plusieurs jeunes sages-femmes passées par Bourem, qui évoquent encore son nom avec gratitude en termes de guidage, de soutien et de formation à ce métier.
Elle entre donc dans le monde de la santé comme bénévole au centre de santé de Bourem, apprenant tout sur le terrain, sous les regards bienveillants des anciennes citées plus haut. Formée plus tard à Gao, elle intègre officiellement le centre de santé. Depuis plus de vingt ans, elle accompagne les femmes de Tondibi à Barkaina et bien au-delà. Elle est devenue leur repère. Sa seule présence rassure. Elle dit : « Mon savoir, je ne l’ai pas appris à l’école, mais au chevet des femmes, auprès des anciennes, entre les cris d’enfants qui naissent et les larmes des mères qui résistent. »
Les conditions sont souvent précaires : pas d’électricité, pas d’ambulance, parfois même pas de savon. Et pourtant, la vie continue de naître dans ses mains, grâce à son courage, son expérience, et ces petits gestes transmis de femme à femme.
Safiatou ne compte plus les enfants qu’elle a fait naître. Ce qui lui importe, c’est que la mère et l’enfant soient en vie. Elle se souvient, non sans douleur, d’un bébé né sans anus. Faute de vigilance dans les premières heures, le petit ange n’a pas survécu. Ce souvenir la hante encore. «C’est pour cela que je dis : être matrone, c’est parfois prier quand on n’a plus rien d’autre, et espérer toujours. »
Safiatou Alassane, c’est la voix d’une maternité silencieuse, mais essentielle, celles qui sont toujours là tant que des ventres portent une vie, une gardienne de vie qui ajoute son plus à Bourem !
Alpha Maiga
mali24
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