Investir dans les systèmes d’élevage pour assurer l’avenir du Sahel
Par Idrissa Ba
Avec la Conférence mondiale de la FAO sur la transformation durable de l’élevage qui se tiendra à Rome du 29 septembre au 1er octobre 2025, le Sahel a l’occasion de traduire ses engagements en actions concrètes favorisant l’inclusion, la santé et l’alimentation animales, ainsi que l’accès aux marchés pour les femmes et les jeunes. Dans une région où l’élevage est vital, les choix faits aujourd’hui détermineront si des millions de familles évolueront vers la résilience ou resteront engluées dans la fragilité.
L’élevage est au cœur des économies sahéliennes. Dans des pays comme le Niger, le Mali et le Tchad, il contribue jusqu’à 40 % du PIB agricole et fait vivre des millions de ménages. L’Afrique de l’Ouest et le Sahel abritent ensemble plus de 112 millions de bovins, 170 millions d’ovins et 224 millions de caprins, une ressource considérable au potentiel inexploité. Pourtant, les chocs climatiques, la dégradation des terres, les maladies et l’insécurité maintiennent une faible productivité et une insécurité alimentaire élevée. Les femmes et les jeunes, majoritaires dans ce secteur, sont confrontés aux obstacles les plus importants en matière de foncier, de financement et de services vétérinaires.
À Thiès, au Sénégal, des femmes comme Anta Gueye démontrent l’impact de l’Initiative des maires pour l’autosuffisance ovine de Heifer International. Grâce à des formations, un soutien vétérinaire et un meilleur accès au marché, elle a transformé son troupeau de moutons en une source stable de nourriture et de revenus. Autrefois dépendante de l’achat d’animaux, sa famille élève désormais ses propres moutons, un changement porteur de dignité et de résilience. À ce jour, l’initiative a soutenu plus de 30 000 familles d’agriculteurs, dont 85 % de femmes, qui constatent des revenus plus élevés et une plus grande sécurité alimentaire. Cela démontre comment investir dans les femmes dans l’élevage renforce les communautés à travers le Sahel.
Nous savons déjà ce qui fonctionne. L’initiative PRAPS de la Banque mondiale a bénéficié à plus de 2,2 millions d’éleveurs pastoraux grâce à des campagnes de vaccination, des points d’eau et des infrastructures commerciales. La CEDEAO a fait du pastoralisme une priorité dans sa politique agricole régionale. Au Sénégal, le PRAPS II développe les parcs de vaccination et favorise la mobilité. Des initiatives comme le programme Meliteji WASU de la Fondation Heifer-Mastercard montrent comment des partenariats locaux peuvent améliorer la santé et l’alimentation animales, ainsi que l’accès aux marchés, tout en mettant l’accent sur les femmes et les jeunes. Il est désormais nécessaire de faire preuve de volonté politique pour les déployer à grande échelle.
Le débat sur le climat doit également être repensé. Trop souvent, les éleveurs pastoraux sont présentés comme une partie du problème. En réalité, ils sont des alliés du climat. En restaurant les pâturages, en adoptant des aliments améliorés et en gérant leurs troupeaux de manière durable, ils réduisent les émissions et protègent les écosystèmes tout en nourrissant leurs familles. La justice exige de soutenir leur résilience en leur donnant accès au financement, aux technologies et aux services, et non de les pénaliser pour des émissions qu’ils n’ont pas générées.
Alors que les dirigeants mondiaux se réunissent à Rome, trois priorités devraient guider l’avenir. Premièrement, les stratégies relatives à l’élevage doivent inclure des objectifs clairs en matière de genre et de jeunesse, avec un accès égal à la terre, au financement et aux services. Deuxièmement, les investissements dans les infrastructures, la santé et l’alimentation animales doivent être intensifiés, en développant les parcs de vaccination, les points d’eau et les outils de gestion des risques tels que l’assurance bétail. Troisièmement, des systèmes de données plus performants sont nécessaires pour cartographier les itinéraires de transhumance et suivre les résultats par sexe et par âge.
L’heure n’est pas aux déclarations générales. La FAO, la CEDEAO et les donateurs doivent s’engager sur des objectifs mesurables et un financement coordonné pour garantir la prospérité des systèmes d’élevage inclusifs. L’avenir du Sahel dépend de la solidité de son secteur de l’élevage et des personnes, femmes, jeunes et éleveurs, qui le soutiennent.
Il est temps d’agir. En investissant dans la santé et l’alimentation animales, les marchés et un accès équitable à la terre et au financement, les dirigeants peuvent faire de l’élevage un pilier de la stabilité, de la dignité et de la croissance au Sahel.
_Idrissa Ba est directeur régional pour le Sahel chez Heifer International._
En savoir plus sur Mali 24
Subscribe to get the latest posts sent to your email.