Arrestation de chauffeurs de citernes à Bamako : Où est passée la présomption d’innocence ?
La semaine dernière, des chauffeurs de camions-citernes ont été interpellés à Bamako par les forces de l’ordre. Ils sont soupçonnés d’avoir procédé à la décharge illégale de carburant dans des lieux autres que les stations-service. Une opération présentée comme une réussite sécuritaire et largement relayée sur les réseaux sociaux et certains médias.
Toutefois, la manière dont ces interpellations ont été médiatisées suscite de nombreux questionnements. Sur plusieurs images et vidéos diffusées en ligne, les chauffeurs arrêtés apparaissent à visage découvert, exposés au public comme des coupables avérés. Or, la loi malienne, à l’instar des législations de droits humains, consacre clairement la présomption d’innocence, principe selon lequel toute personne est innocente jusqu’à preuve du contraire par une décision de justice définitive.
On peut donc comprendre l’indignation, l’incompréhension voire le courroux suscité par cette mise en scène dans les rangs des transporteurs. Pour beaucoup de chauffeurs, il s’agit d’une atteinte à la dignité et à l’honneur de leurs collègues. Certains rappellent que le chauffeur n’est souvent qu’un exécutant dans une chaîne d’approvisionnement contrôlée et mise en mission par des propriétaires de camions ou des commanditaires. « Le chauffeur est un salarié. Il suit les instructions de celui qui l’envoie. S’il y a infraction, qu’on cherche les responsables à tous les niveaux », pense certains.
Même si l’enquête venait à démontrer leur innocence, le mal est déjà fait. Dans un contexte où les transporteurs jouent un rôle clé dans l’acheminement des produits pétroliers, cette façon de faire a accentué les tensions et la méfiance au sein de la corporation.
La lutte contre la spéculation et le détournement de produits ne saurait se faire au mépris du respect des principes de droits fondamentaux des citoyens. L’efficacité de la sécurité ne peut être opposée aux exigences de justice.
En définitive, cette affaire rappelle l’importance pour les autorités et les médias de concilier communication, respect des procédures judiciaires et sauvegarde de la dignité humaine. Car dans un État de droit, sanctionner oui ; condamner sans jugement, jamais.
Par Drissa Togola
le challenger
En savoir plus sur Mali 24
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
