Ousmane Maïga, directeur général de l’Anaser : «Pour réduire le nombre d’accidents, il est essentiel de renforcer les sanctions »
Le Mali, à l’instar des autres pays, a commémoré, hier, la Journée mondiale du souvenir des victimes de la circulation routière. À cette occasion, le directeur général de l’Agence nationale de la sécurité routière (Anaser), Ousmane Maïga, nous a accordé une interview exclusive. Il fait l’état des lieux de la sécurité routière dans notre pays et évoque les actions menées pour réduire le nombre d’accidents
L’Essor : Quelle lecture faites-vous de la situation des accidents de la circulation au Mali ?
Ousmane Maïga : La situation des accidents de la circulation au Mali reste préoccupante. Toutefois, l’Anaser, fidèle à son statut d’organisme directeur de la sécurité routière, contribue à l’amélioration des conditions d’exploitation du réseau routier. Et ne fléchit pas dans la lutte contre le fléau de l’insécurité routière.
Pendant l’année 2025, comme les années précédentes, nous avons accompli d’importantes actions pour réduire le nombre d’accidents de circulation, préserver l’intégrité de la personne humaine, sauver les vies sur nos routes, protéger les biens dans l’espace routier. En milieu urbain comme en rase campagne, chaque dommage corporel ou matériel nous rappelle l’urgence d’une action collective concrète et souligne notre responsabilité solidaire de protéger les usagers de la route ainsi que la route elle-même. Je mesure pleinement, l’ampleur de cette responsabilité.
À ce stade de l’année 2025, les données statistiques ne sont pas encore disponibles. Cependant, l’atelier de validation des statistiques d’accidents de la circulation routière de l’année 2024, a eu lieu le 24 avril 2025. À l’issue des travaux, il a été recensé 7.673 cas d’accidents pour 8.828 blessés et 682 tués.
À l’analyse, il ressort qu’en 2024, les accidents de la circulation routière ont été causés par plusieurs facteurs, dont le principal demeure l’excès de vitesse avec 43% des causes d’accidents, ayant entraîné 49% de blessés graves et 51% de tués. D’autres facteurs sont aussi déterminants, notamment le non-respect de la priorité, le mauvais dépassement et l’imprudence du piéton. Peu d’accidents sont causés par l’éclatement de pneu, représentant 1% des cas, mais ils sont très mortels, soit 10% des tués en 2024.
Pendant ces dernières années, on a recensé en 2023, 7.685 cas d’accidents dont 7.938 blessés et 689 tués. En 2022, les victimes d’accidents se dénombraient à 8.189 cas parmi lesquels 8.297 ont été blessés et 684 tués. Le bilan effectué en 2021 a révélé 10.614 cas d’accidents pour 9.085 blessés et 736 tués. En ce qui concerne l’année 2020, 9.309 cas d’accidents ont été enregistrés avec 8.231 personnes blessées et 622 tuées. On constate une certaine stabilité en termes de victimes de la circulation routière, malgré la prolifération des engins motorisés.
L’Essor : Comment se manifestent le plus souvent les accidents sur la route ? Quelles sont les couches de la population les plus impliquées ?
Ousmane Maïga : Les accidents surviennent à cause du non-respect du Code de la route et des règles réglementaires de la circulation routière. Toutes les catégories socioprofessionnelles y sont impliquées, à des niveaux différents. En 2024, les chauffeurs professionnels étaient les plus impliqués avec une proportion d’environ 27%, soit 1% de moins que l’année dernière. Bien vrai que les chauffeurs professionnels sont censés avoir une certaine maîtrise des règles de la circulation routière, ils sont impliqués dans 53% des cas mortels en 2024.
La deuxième couche fortement impliquée dans ces accidents est celle des ouvriers et manœuvres avec une proportion de 16%. Environ 9% des tués enregistrés en 2024 sont de cette catégorie. Il s’agit généralement des jeunes usagers motocyclistes qui n’ont aucune maîtrise des règles de la circulation routière.
La troisième couche impliquée concerne les commerçants et artisans avec une proportion de 14%. Les accidents impliquant cette proportion ont causé environ 9% de tués en 2023. Quant aux élèves et étudiants, beaucoup sont impliqués dans les accidents de la circulation. En 2024, ils étaient impliqués dans 12% des cas d’accidents, dont plusieurs cas mortels. Ils sont majoritairement usagers d’engins motorisés à deux roues et piétons.
L’Essor : Le non-respect du Code de la route est souvent déploré. Que fait l’Anaser à ce niveau ?
Ousmane Maïga : Le non-respect du Code de la route multiplie les risques d’accidents et aggrave bien sûr la situation, en cas d’accident. En conformité avec les orientations du Conseil d’administration, l’Anaser met un accent particulier sur l’information, la persuasion, l’éducation et la formation. Ce, pour sensibiliser les usagers à la lancinante question de l’insécurité routière, en nous appuyant sur les moyens d’action dont nous disposons.
Nous insistons sur les facteurs de risques relevés par les statistiques qui sont entre autres l’excès de vitesse, la conduite en état d’ivresse, le non-respect des règles relatives au port de la ceinture de sécurité et du casque de protection, ainsi que l’utilisation du téléphone au volant. Ces actions s’inscrivent en droite ligne dans la Stratégie nationale de Sécurité routière du Mali (SNSR) 2021-2030 et son Plan d’action 2021-2025, dont l’objectif global est de «réduire le taux de mortalité des accidents de la route de 50%, en le ramenant de 25 tués pour 100.000 habitants en 2021 à 12 tués par 100.000 habitants à l’horizon 2030».
En complément de nos programmes d’activités, nous avons organisé le Forum de la Confédération des États du Sahel (AES) sur la sécurité routière qui s’est déroulé du 14 au 16 mai 2025 à l’Hôtel de l’Amitié, sous le thème : «Ensemble pour une sécurité routière intégrée dans l’espace AES» et qui a tenu toutes ses promesses.
L’objectif était de traduire la volonté des trois Chefs d’État de renforcer l’intégration économique et sociale au sein de l’AES en harmonisant le cadre législatif et opérationnel en matière de sécurité routière. Les participants ont recommandé d’actualiser et de compléter les textes législatifs et règlementaires ainsi que les pratiques en matière de Sécurité routière dans l’espace AES.
L’Essor : Que faudrait-il améliorer ou renforcer pour réduire au maximum le nombre d’accidents ?
Ousmane Maïga : Nous sommes convaincus que pour réduire au maximum le nombre d’accidents, il est essentiel de renforcer le contrôle/sanction des infractions, la communication, la formation de l’ensemble des acteurs de la sécurité routière en vue d’améliorer le contrôle technique des véhicules et de fédérer les efforts de tous les partenaires.
C’est pourquoi, nous nous réjouissons de la création du Comité national de sécurité routière qui regroupe l’ensemble des acteurs et partenaires de la sécurité routière. Nous saluons également la création du Comité interministériel de sécurité routière qui a insufflé un nouvel élan dans la lutte contre les accidents de la route avec la tenue le 12 décembre 2024 de sa première réunion. Cette rencontre présidée par le Premier ministre, le Général de division Abdoulaye Maïga, marque une étape importante dans le processus de renforcement du dispositif mis en place pour réduire considérablement la fréquence des accidents de la circulation routière.
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18.139 cas d’accidents enregistrés en 2025
Le Colonel Moussa Bagayoko est le chef de division des opérations de secours et d’assistance à la direction générale de la protection civile. Selon lui, son service a enregistré 18.139 cas d’accidents en 2025 qui ont fait 28.675 blessés et 742 tués. Au total, ces accidents ont impliqués 29.417 personnes.
Notre interlocuteur précise que l’âge des victimes est compris entre 15 et 65 ans, tous sexes confondus. Parmi les victimes (blessées) de moins de 15 ans, l’on dénombre 2.680 garçons et 1.312 filles. 39 garçons ont perdu la vie contre 37 filles.
Les 15 à 40 ans restent les plus affectés : 18.479 victimes enregistrées au cours de l’année. Pour cette tranche d’âge, le nombre de mort est de 415 pour les hommes et 73 pour les femmes. Tandis que le nombre de blessés s’élève à 12.898 du côté des hommes, contre 5 093 pour les femmes. S’agissant de la tranche 40 – 65 ans, il a été dénombré 6.692 blessés dont 1.695 femmes. 126 hommes de cette tranche d’âge ont perdu la vie, contre 52 femmes.
Ces chiffres qui font froid dans le dos prouvent à suffisance que la route fait des ravages. Pour renverser la vapeur, les autorités appellent à la prudence et au respect du Code de la route. Sans grand succès…
Propos recueillis par
DEMBÉLÉ Siguéta Salimata
Source : l’ESSOR
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