Entre Nous : La démocratie en marche au Kenya
Le 13 septembre dernier, William Ruto, Vice-président sortant, a prêté serment en qualité du cinquième président du Kenya, un pays qui a accédé à l’indépendance en 1963. Quelques jours plus tôt, c’est-à-dire le 5 septembre, la Cour suprême kenyane avait validé sa victoire à l’élection présidentielle du 9 août au détriment de l’opposant historique, Raila Odinga. Ce vétéran de la politique avait saisi la plus haute juridiction du pays aux fins d’invalidation du scrutin. Il a dénoncé des fraudes massives. La Cour suprême n’a pas accédé à la requête de Raila Odinga qui avait le soutien du Président sortant Uhuru Kenyatta. Dans un communiqué, Raila Odinga, âgé de 77 ans a souligné : « Nous avons toujours défendu l’Etat de droit et la Constitution. A cet égard, nous respectons la décision de la Cour, bien que nous la désapprouvions avec véhémence ».
Cette victoire de William Ruto administre quelques leçons sur la bonne marche de la démocratie.
Première leçon : le candidat soutenu par le Président sortant peut perdre les élections. Feu Oumar Bongo n’avait donc pas raison quand il disait qu’on n’organise pas une élection pour la perdre. En Afrique, on peut organiser une élection et la perdre. Ce fut le cas au Kenya mais aussi au Sénégal où le Président Abdou Diouf a perdu en 2000 face à Me Wade, lequel fut battu en 2012 par Macky Sall. En Sierre Leone, le candidat du principal parti de l’opposition a battu en 2018 le porte-étendard du parti au pouvoir soutenu par le Président sortant.
Deuxième leçon : Cette décision qui confirme la défaite du candidat soutenu par le Président Uhuru Kenyatta renforce davantage la crédibilité de la Cour suprême kenyane. Elle conforte l’image de la Présidente de l’institution, Mme Martha Koome, une ancienne avocate de 62 ans qui a promis «de débarrasser le système judiciaire de la corruption et de préserver son indépendance». Déjà, à deux reprises, la Cour suprême s’était illustrée par son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.
Le 1er septembre 2017, elle avait invalidé la victoire du Président Kenyatta en raison des irrégularités suite à une saisine de Raila Odinga. Elle a ordonné la reprise du scrutin. C’était une première en Afrique. Le Président Uhuru Kenyatta avait dénoncé des « juges escrocs », des mots durs qui n’ont jamais dévié les juges kenyans de leur trajectoire.
En mars 2022, la même juridiction a invalidé le processus de révision de la constitution initié par le Président Kenyatta.
Cet exemple d’indépendance de la Cour suprême du Kenya doit inspirer d’autres institutions en charge du contentieux électoral.
Par Chiaka Doumbia