A l’honneur au festival de Cannes 2023 : Souleymane Cissé dénonce le mépris de la distribution occidentale pour le cinéma africain
A l’occasion de la 76e édition du Festival de cinéma de Cannes (du 16 au 27 mai 2023 sur la Côte d’Azur en France) Souleymane Cissé a reçu le «Carrosse d’Or 2023» pour l’ensemble de son œuvre cinématographique. Une distinction décernée par la Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF) et qui lui a été remise mercredi dernier (17 mai 2023) à Cannes, en marge du festival ouvert la veille. Fidèle à son engagement, cette légende du cinéma a profité de l’occasion pour appeler les jeunes cinéastes africains à redoubler d’efforts afin de réaliser de belles œuvres et pouvoir briser ce qu’il appelle le mépris de la distribution occidentale pour le cinéma africain.
Le «Carrosse d’Or» ! Ce prestigieux prix, fondé par la Société des réalisatrices et réalisateurs de films (SRF), récompense l’ensemble d’une carrière pour son originalité, son courage et sa rigueur dans la mise en scène et la production. Et le trophée 2023 a été décerné au grand réalisateur Souleymane Cissé mercredi dernier (17 mai 2023) en marge de la 76e édition du Festival de cinéma de Cannes (16 au 27 mai 2023).
Après le sénégalais Ousmane Sembène (1er janvier 1923-9 juin 2007), dont on célèbre cette année le centenaire, Souleymane Cissé est le deuxième cinéaste africain à remporter cette récompense. Avec à son actif plusieurs courts, moyens et longs métrages, les «Films CISSÉ» (une société de production) et de nombreuses participations aux différents rendez-vous du cinéma, dont le Festival de Cannes (plusieurs prix prestigieux remportés) et le FESPACO (deux fois lauréat de l’Etalon d’Or Yennenga), Souleymane Cissé est aujourd’hui un monstre sacré du cinéma.
«Den Muso», «Baara», «Finyè» (Le vent), «Yeelen» (La lumière)… et récemment «O Ka»… Autant de chefs d’œuvres qui lui confèrent cette renommée mondiale et qui ont contribué indéniablement au rayonnement de la culture malienne dans le monde. A la cérémonie de remise, Souleymane Cissé était entouré de ses amis, de ses collaborateurs et de sa famille, notamment sa fille Fatou Cissé qui suit ses traces et qui lui a rendu hommage à travers l’œuvre baptisée «Hommage d’une fille à son père». Il s’agit d’un film documentaire qui brosse le portrait de son père et qui a été présenté lors de la 75e édition du Festival de Cannes dans la catégorie «Cannes Classic».
Se donner la main et travailler dur pour briser le mépris de la distribution occidentale à l’égard des œuvres africaines
Le franc-parler de Souleymane Cissé, on le sait, n’a d’égal que son humour. On aurait donc été surpris qu’il se contente de recevoir sa distinction et retourner dans l’ombre sans envoyer un message à la famille du 7e art africain et au reste du monde. Mais, nous avons été bien servis et c’est la distribution occidentale qui en a fait les frais. «Je ne pense pas que je puisse donner de leçons à la nouvelle génération. Mais, nous avons tous intérêt à faire avancer le cinéma. Je suis convaincu que quand ils (jeunes réalisateurs du continent) feront de très bon films, cette censure au niveau de la distribution va se briser», a confié Solo à la presse après avoir reçu son trophée.
«Cette censure occidentale au niveau de la distribution, elle est très grave parce que c’est un mépris… Au niveau des distributeurs, il y a des films qu’on peut voir dans les salles ici en Europe. Mais, on ne leur donne pas cette opportunité tout simplement pour ne pas mettre à la même hauteur l’image de l’Afrique avec les autres. Et c’est dommage», a déploré le talentueux réalisateur.
Et de poursuivre, «le temps jugera ! Cela fait 50 ans que nous essayons de faire des films de qualité, mais jamais on ne les voit sur les écrans ailleurs. J’ai eu la chance d’avoir feu Claude Berri (surnommé le «Dernier Nabab» ou le «Parrain» du cinéma français, il est considéré comme l’un des grands réalisateurs et producteurs de films) qui a fait que Yeelen (La Lumière) est passé dans des salles en Occident. Mais, beaucoup d’autres n’ont pas eu cette chance». Réalisée par le prodige de Niamina entre 1984 et 1987, ce film est sorti en 1987. La même année, ce chef-d’œuvre (Yeelen) a reçu le Prix du Jury au Festival de Cannes.
Pour Souleymane Cissé, Claude Berri et Jérôme Seydoux ont réellement pris «le risque de distribuer des films venus d’Afrique noire. Ce qui était loin d’être une évidence à l’époque et, sans doute, encore aujourd’hui». Le très engagé réalisateur a donc profité de cette prestigieuse tribune pour toucher du doigt la sous-exposition du cinéma africain. «Un impair que le Festival de Cannes revendique d’avoir quelque peu corrigé pour sa 76e édition», a souligné un critique.
A noter que notre Mission diplomatique et consulaire à Paris (France) a félicité Souleymane Cissé pour ce «nouveau trophée, le Carrosse d’Or» en rappelant que cela permet au réalisateur de «briller une nouvelle fois et faire briller les couleurs du Mali au Festival de Cannes» !
Moussa Bolly
le matin