Affaire des mercenaires ivoiriens : Le ton ne faiblit pas entre Bamako et Abidjan
Alors que la situation semblait se diriger vers un dénouement heureux, voilà que l’Etat de Côte d’Ivoire a tenu ce mercredi 14 septembre 2022, un Conseil national de sécurité (CNS) sous la présidence d’Alassane Dramane Ouattara, président de la République. Lequel conseil s’est soldé par la rédaction d’un communiqué final.
Dans ce compte rendu, la partie ivoirienne fera savoir que leurs militaires détenus à Bamako, sont des otages des autorités maliennes. Aussi, il ressort clairement dudit communiqué que l’État de Côte d’Ivoire refuse de reconnaître sa part de responsabilité dans cette affaire. Elle continue de penser que les 49 militaires que Bamako qualifie de mercenaires ont été injustement arrêtés et mis en prison.
L’Etat ivoirien ira même plus loin dans le communiqué final ayant sanctionné ledit Conseil national sécurité, pour proférer des menaces aux Autorités de la transition du Mali. En des termes inappropriés, la Côte d’Ivoire exige la libération sans délai et conditions des 46 mercenaires, présentement en prison au Mali.
La réaction de Bamako ne s’est pas faite attendre. Aussi, au lendemain du communiqué ivoirien, le Gouvernement malien réagira. Cela, à la faveur d’un communiqué lu sur la chaine de télévision nationale, par le ministre porte-parole du Gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga. C’était dans la nuit du jeudi 15 septembre 2022.
En réponse aux autorités ivoiriennes, le Gouvernement de la transition dit avoir suivi avec « une très grande préoccupation et une profonde stupéfaction le communiqué du Conseil national de sécurité de la Côte d’Ivoire, tenu le mercredi 14 septembre 2022, au sujet des 49 soldats ivoiriens, arrêtés à l’Aéroport international Président Modibo KEITA Bamako – Senou, le 10 juillet 2022 et contre lesquels la justice malienne a ouvert une procédure d’information judiciaire pour des faits graves touchant, entre autres, à la sécurité nationale et à la sureté extérieure de l’Etat » a-t-il libellé .
Pour prouver sa démarche logique et réaliste dans cette affaire, le communiqué est revenu sur les faits. « Le Gouvernement de la transition rappelle à l’opinion publique nationale et internationale que, par Communiqué n° 034 du 11 juillet 2022 , il a expliqué, en détails, les conditions illégales dans lesquelles ces forces étrangères, dont une trentaine des forces spéciales, sont arrivées au Mali en possession d’armes et de minutions de guerre, sans ordre de mission, ni autorisation , tout en dissimulant leurs identités et leurs professions réelles ainsi que l’objet précis de leur présence sur le sol malien . En outre, contrairement à la déclaration des Autorités ivoiriennes, la MINUSMA, officiellement saisie du statut de ces militaires par le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, avait clairement indiqué dans sa Note verbale référencée : MINUSMA / PROT / NV / 226 / 2022 du 27 juillet 2022 , que ces soldats ne faisaient pas partie des éléments nationaux de soutien. Par conséquent, aucune base légale ne saurait, à présent, justifier, ni leur présence, encore moins leur mission au Mali. De même, le Directeur en charge des questions africaines au ministère des Affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne, reçu en audience le lundi 07 août 2022 au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, avait clairement indiqué qu’aucune agence allemande, encore moins le Gouvernement n’avait de lien contractuel avec les ” éléments ivoiriens arrêtés à l’aéroport “. Par conséquent, son pays n’avait rien à voir, ni de près ni de loin, avec les personnes arrêtées » a-t-il rappelé.
Le Mali, malgré la gravité des faits qui entourent cette affaire, a bien voulu accompagner les efforts de médiation de la République togolaise, unique cadre de règlement du dossier des 49 mercenaires ivoiriens. Dans le récent communiqué, le Gouvernement ivoirien insiste sur son innocence et celle des 49 militaires arrêtés.
Cependant, ce double langage de l’Etat ivoirien fait que le Gouvernement de transition note avec une profonde stupéfaction que la partie ivoirienne vient de se dédire en l’espace de 11 jours. Elle-même qui avait reconnu sa responsabilité dans sa déclaration officielle lue par le ministre Directeur de cabinet du Président de la République de Côte d’Ivoire, Monsieur Fidèle SARASSORO, le 03 septembre 2022 à Lomé en ces termes « la Côte d’Ivoire déplore que des manquements et des incompréhensions aient été à l’origine de cet évènement fortement regrettable. La Côte d’Ivoire, soucieuse de maintenir des relations de bon voisinage avec le Mali, s’engage à respecter les procédures des Nations Unies, ainsi que les nouvelles règles et dispositions maliennes édictées relatives au déploiement des forces militaires au Mali ».
Mais, un tel revirement grave de la part d’autorités étatiques ne vise qu’à manipuler et à entraver la manifestation de la vérité. « Animé d’une volonté d’adversité, le Gouvernement ivoirien accuse le Mali d’avoir pris en otage les militaires, faisant fi des conditions obscures et de l’inculpation par la justice malienne des 49 mercenaires » a-t-il révélé.
Par ailleurs, dans ledit communiqué, le Gouvernement de la Transition souligne que c’est exclusivement en sa qualité de Président du Conseil supérieur de la magistrature que le Colonel Assimi Goïta, Président de la Transition, Chef de l’Etat, a indiqué à la partie ivoirienne , la nécessité de considérer la situation de certains Maliens, objet de mandats d’arrêts internationaux. « C’est cette attitude responsable du Président de la Transition qui a été malheureusement perçue par les autorités ivoiriennes comme une prise d’otages. A la décision du Gouvernement ivoirien d’avoir transformé un dossier judiciaire en une crise diplomatique et par conséquent de saisir la CEDEAO, le Gouvernement de la Transition souligne qu’il n’est nullement concerné par cette procédure devant l’instance communautaire. Aussi, il indique à la CEDEAO que l’affaire des 49 mercenaires ivoiriens est purement judiciaire et bilatérale, il met en garde contre toute instrumentalisation de la CEDEAO par les autorités ivoiriennes pour se soustraire de leur responsabilité, vis-à-vis du Mali » invitant ainsi l’espace communautaire à jouer à la neutralité dans cette affaire.
« Le Gouvernement de la transition, tout en réitérant son attachement à la paix, à la sécurité et aux relations séculaires de bon voisinage, précise que pour le respect de sa souveraineté, sa sécurité nationale et aux intérêts vitaux de son peuple, il ne cédera à aucun chantage ou intimidation », conclut le communiqué.
Diakalia M DEMBELE
Source: 22 Septembre