Ce que je retiens de la chute de Bachar al-Assad en Syrie
La chute de Bachar al-Assad, survenue samedi dernier, marque un tournant décisif dans l’histoire récente de la Syrie. Une coalition de rebelles, souvent qualifiée d’opposants par les médias occidentaux mais qui, en réalité, regroupe d’anciens terroristes ayant troqué leurs anciennes affiliations pour une nouvelle étiquette de « rebelles », a réussi à chasser le président syrien du pouvoir. Ce changement de régime s’est effectué sous le prétexte de mettre fin à une dictature qualifiée de « quasi-totalitaire » par certains observateurs internationaux. Aujourd’hui, Bachar al-Assad vit en exil à Moscou, où il assiste impuissant à la destruction symbolique de son régime, avec des scènes telles que le pillage de son palais et la profanation de la statue de son père, Hafez al-Assad, emblème d’un pouvoir dynastique.
Le rôle de la Russie, un allié de longue date de Bachar al-Assad, a été limité. Si Moscou a réussi à exfiltrer le président et sa famille en toute sécurité, elle n’a pas pu empêcher la chute de son régime. La Russie, en effet, a fait un choix stratégique en concentrant ses efforts militaires en Ukraine, face à la pression occidentale et à la menace de l’OTAN, plutôt que de risquer une confrontation directe en Syrie, un pays déjà fortement fragmenté et soutenu par une multitude d’acteurs internationaux.
Le nouvel homme fort de la Syrie semble être Al-jolina, un ancien membre de groupes terroristes qui a récemment changé de camp pour rejoindre la rébellion. Bien que les médias occidentaux présentent ce changement comme une « réconversion » et le qualifient de « rebelle », cette transition soulève des questions sur la véritable nature de ce personnage et ses liens avec des groupes extrémistes. Al-jolina, à 42 ans, apparaît comme un chef de guerre pragmatique, prêt à œuvrer pour un rétablissement de l’ordre, mais également à protéger les figures de l’ancien régime, comme l’ancien Premier ministre, pour assurer une transition pacifique du pouvoir.
Cependant, il reste à voir si ce nouvel acteur pourra réellement stabiliser la Syrie, dévastée par plus de 13 ans de guerre civile. L’armée loyaliste d’Assad, largement affaiblie et déstabilisée par l’absence de soutien de ses alliés, notamment le Hezbollah et les troupes iraniennes, n’a pas pu résister à l’avancée rapide des rebelles. L’absence notable de la Russie sur le terrain, préoccupée par le conflit en Ukraine, a ouvert la voie à une victoire quasi-virtuelle des rebelles dans certaines régions clés, comme Damas. Cela soulève une question essentielle : la Syrie, déjà largement fragmentée, peut-elle trouver une stabilité durable avec une telle alternance de pouvoir ?
Les incertitudes concernant l’avenir de la Syrie sont d’autant plus graves si l’on considère le potentiel danger de voir le pays devenir un sanctuaire pour les groupes djihadistes. La fragmentation de la Syrie, avec des zones contrôlées par divers groupes terroristes, pourrait en effet offrir un terreau fertile pour de nouvelles violences et destabiliser non seulement la région, mais également les pays voisins. Un élément clé dans cette dynamique est l’éventuelle montée en puissance de groupes liés à Al-Qaïda, notamment ceux ayant des liens avec des factions irakiennes. En effet, certains experts soulignent les risques de réorganisation des groupes djihadistes dans la région, comme cela a été observé en Irak et en Libye après la chute de régimes autoritaires.
Les inquiétudes sont d’autant plus vives lorsque l’on observe les développements au Sahel, où des groupes terroristes ont renforcé leur emprise, exploitant la faiblesse des États de la région pour imposer leur propre agenda. À cet égard, la situation en Syrie pourrait bien se reproduire, avec des djihadistes cherchant à étendre leur influence au Moyen-Orient et au-delà. En parallèle, certains experts s’inquiètent du fait que des factions d’Al-Qaïda, dirigées par des figures telles qu’Iyad Ag Ghali, pourraient s’allier avec des groupes issus de l’extrême droite irakienne, des éléments potentiellement proches du nouveau leadership en Syrie. Cette alliance menacerait le sahel déjà fragilisé par les attaques terroristes.
La question demeure : la Syrie va-t-elle suivre le chemin de l’Irak ou de la Libye, sombrant dans un chaos similaire, ou existe-t-il une possibilité d’aboutir à un compromis qui permette une réelle reconstruction et une paix durable ? Les observateurs restent sceptiques face à cette issue, tant les divisions internes et les influences extérieures sont nombreuses.
Je signe.
Modibo Fofana