CEUX QUI FONT BOUREM (12): NANA TOURÉ ou l’ange  gardien des mères de BOUREM

Mariam Abdoulkarim a 17 ans. Un âge précoce pour enfanter. Elle vient de Tinsako. Un petit village niché dans la Commune Rurale de Temera. La semaine dernière, elle a donné la vie dans des conditions qui defient l’entendement. Un accouchement difficile. Semé d’embûches. Qui a transformé le CSRef de Bourem en un théâtre d’angoisse. La raison ? Ce Mardi 27 Mai 2025, la petite adolescente est tombée dans un coma. Mariam a été victime de ce qu’on appelle l’éclampsie du post- partum, une complication grave de la grossesse qui survient après l’accouchement, caractérisée par des convulsions.

Cependant, Mariam peut être considérée comme une veinarde. Dans la situation complexe où elle se trouve, totalement inconsciente, le CSRef de Bourem ne peut pas grand chose à son cas. Il faut aussitôt l’évacuer sur l’Hôpital de Gao par cette nuit tombée. Et dans un contexte d’insécurité totale (hier seulement, en plein jour, des véhicules braqués sur le tronçon), par une nuit déjà sombre, la patiente bénéficie pourtant d’une évacuation normale, avec en sus, pour ce périple dangereux, l’unique sage femme de l’établissement sanitaire.

Et puis, quelques heures après, le tumulte du voyage se transforme en un souffle de soulagement. Son pronostic vital n’est plus en danger. Dans l’ombre de la nuit, une lueur d’espoir au lendemain pour la petite adolescente et son enfant d’une semaine.

Dans un cas similaire à beaucoup, Mariam et ses parents auraient donné le nom de leur enfant à la Sage Femme. Mais, c’est presque une routine pour cette dernière. Ces épreuves de femmes qui peuvent donner la vie en mourant. Cette dernière, c’est Nana Touré. Il faut lui coller le prénom de son père de Moudakane pour savoir vite que bon sang ne saurait mentir : Nana Chillo Touré.

Dans cette lutte pour la vie, où le destin semble jouer les marionnettistes, dans les rouages de cette dure réalité, dans une partie du pays où même les « petites » compétences fuient l’environnement hostile du Nord, Nana Touré, Sage Femme, se voit confrontée à des quotidiens tragiques, habités par ces histoires de femmes qui, à la frontière de la vie et de la mort, parviennent à donner naissance. Ici dans une maternité ou à domicile, là où la douleur se mêle à la beauté de la vie, elle sait qu’elle est le symbole de la professionnelle de santé capable de ressentir les peurs et les espoirs de ses patientes.

Et depuis 20 ans, Nana Touré officie presque seule à Bourem. Les villages, les fractions et autres hameaux du Hoggar, du Tilemsi et du Gourma ne sont plus un mystère pour elle. Elle les arpente. Elle les escalade. Elle les traverse. À pirogue. Avec des véhicules de fortune. À pied souvent. Car le métier est une vocation pour elle. Toujours prête pour contribuer à une maternité positive et épanouissante de chacune de ses patientes.

Nana Touré est bien connue pour son dévouement et sa compassion dans le secteur sanitaire de Bourem et au-delà. Pour de nombreux concitoyens, elle représente bien plus qu’une simple professionnelle de la santé ; elle est l’une des leurs. Dans le contexte actuel des enjeux maternels et infantiles à Bourem, elle est devenue une figure emblématique d’espoir et de résilience pour sa communauté. Avec douceur et expertise, elle a toujours accompagné les processus de suivi d’accouchement. Ses patientes et ses supérieurs évoquent pour nous sa passion et son engagement, des qualités qui inspirent de nombreuses femmes à veiller sur leur santé et celle de leurs enfants. Des témoignages qui illustrent sa force et sa détermination, malgré les défis sécuritaires et climatiques, prouvant que même dans les conditions les plus difficiles, l’amour et le dévouement peuvent engendrer un changement significatif.

À titre informatif, c’est le rôle essentiel des femmes dans l’accompagnement de la maternité qui leurs a valu le titre honorifique de SAGE-FEMME.

Nana Touré, ayant progressé de la fonction d’Infirmière Obstétricienne à celle de Technicienne Supérieure de Santé, depuis l’Ecole des Infirmiers de Gao, entre 1998 et 2007, et ayant poursuivi sa formation en tant que Sage-Femme au point d’acquérir le titre de Sage Femme Maitresse en Soins Obstétricaux et Néonataux d’Urgence, a bâti son parcours professionnel sur des qualités fondamentalement importantes. Ces compétences sont corroborées par des témoignages recueillis auprès de nombreux usagers du Centre de Santé de Référence de Bourem. Son empathie lui permet d’écouter et de soutenir les femmes durant des moments de vulnérabilité. De plus, sa solide formation acquise dans la région de Gao lui garantit une maîtrise des pratiques médicales, des protocoles et des techniques de soins actuelles. Son aptitude à s’adapter aux patientes et à tout environnement qu’elle maîtrise d’ailleurs, ses formateurs qui lui coachent quotidiennement, lui permet également de respecter les différences culturelles, sociales et personnelles des femmes qu’elle accompagne, tout en les soutenant dans leurs expériences de maternité.

Son Médecin Chef est finalement catégorique : « C’est une confidente essentielle dans le dispositif sanitaire à Bourem. Elle organise tout, de manière incontournable et je ne peux que m’appuyer sur elle. Elle apporte un véritable bénéfice à Bourem. Sa grande compétence est évidente, un talent naturel pour la gestion d’activités. Son sens de l’organisation est remarquable. Face à la prise en charge du VIH et à la grossesse, elle est incontournable. Sa connaissance en nutrition est impressionnante. Elle est très convoitée par la Direction Régionale de la Santé de GAO qui souhaite qu’elle officie dans le chef-lieu de région. Elle maîtrise son sujet et reste calme avec les patientes. Elle défend Bourem lors des forums. Elle sait persuader avec aisance. Elle est le point focal de plusieurs programmes de santé. Si nous avions deux personnes comme elle, le District Sanitaire serait un modèle. Elle est une véritable université à elle seule. Le management coule dans ses veines. Et elle se met constamment à jour.

Alpha Maiga

Source: mali24