Combattre la malnutrition à travers le Wash : L’arme efficace de la sensibilisation
La malnutrition chez les enfants de 0 à 56 mois constitue un problème de santé publique dans la plupart des pays d’Afrique au sud du Sahara. Le Mali qui traverse depuis 2012 une crise politico-sécuritaire ne déroge pas à la règle. Au regard de l’ampleur du phénomène, la sensibilisation apparaît comme un meilleur moyen de lutter contre la malnutrition en lien avec le Wash.
La crise politico- sécuritaire qui secoue le pays depuis 2012 avec son corollaire d’insécurité a impactée négativement sur les activités, notamment sur les travaux champêtres dans les zones ou l’agriculture et l’élevage sont les seules activités génératrices de revenue pour la population frappée de plein fouet par la pauvreté. Cette situation d’insécurité a contribué à aggraver la problématique de la malnutrition.
Selon les données du Système d’Alerte Précoce (SAP), de la Sous-direction Nutrition (SDN), du Commissariat à la sécurité alimentaire (CSA) et de l’UNICEF, 1 242 078 personnes sont en insécurité alimentaire actuellement au Mali de façon globale et réparties selon les différentes phases. Et cette année, le Mali a connu exceptionnellement la phase 5 (critique) à peu près deux mille personnes à Ménaka, une nouvelle région au Mali.
Il ressort des statistiques du Cadre Harmonisé datant de décembre 2022 que la prévalence de la sous-alimentation au Mali est restée constante depuis 2010 autour de 5% et 0.07% de la population soit (14 864 personnes) est en phase urgence, 2,8% soit (616 820 personnes) en phase crise et 12,3% (2 734 725 personnes). Toujours en 2022, selon l’enquête SMART, 5,0% des femmes en âge de procréer (15 à 49 ans) souffrent d’insuffisance pondérale contre 20,4%.
Au cours de l’Atelier de capitalisation des activités du projet « Intégration de la nutrition dans le mécanisme multidonnateur flexible de la FAO pour promouvoir la production alimentaire sensible à la nutrition (FMM/GLO/156/MUL », tenu le 13 octobre 2023, le Représentant résidant de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) au Mali, Mansour N’Diaye a donné des chiffres alarmants. Selon lui, au Mali, un enfant sur quatre présente une insuffisance pondérale, près d’un enfant sur trois (30%) souffre d’un retard de croissance (malnutrition chronique) et environ 14% ont une émaciation (amaigrissement, maigreur extrême).
Les causes de la Malnutrition
A en croire Dr Bouba Touré, médecin, l’état nutritionnel est un déterminant de la qualité du capital humain et les facteurs de la malnutrition sont multiples. « Les conflits, les changements climatiques, le manque d’accès à l’eau potable, la pauvreté liée aux chocs économiques et aux inégalités sont autant d’éléments qui peuvent entraîner l’insécurité alimentaire pour les populations vulnérables », explique-t-il. Pour Dr Touré, « les conflits ont un impact direct sur la sécurité alimentaire car ils compromettent considérablement l’accès à la nourriture. Et dans certains cas les personnes sont obligées de fuir devant l’escalade de la violence, les personnes déracinées par un conflit perdent leurs fermes et leurs commerces ou leurs autres moyens locaux de production de nourriture, ainsi que leurs marchés ».
« On estime que 50% de cette malnutrition est associée à la diarrhée ou à ces infections répétées de nématodes intestinaux en raison de l’eau insalubre, un assainissement inadéquat ou des conditions d’hygiène insuffisantes. Et selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé OMS de 2019, dans le monde 2,5 milliards de personnes n’avaient toujours pas accès à un système d’assainissement amélioré, 297000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de diarrhée pour avoir bu de l’eau insalubre, ou par manque de services d’assainissement ou d’hygiène des mains et les conséquences sur la santé sont immenses», a-t-il martelé
De l’avis de Dr Bouba Touré, le lien entre la malnutrition et le Wash est une évidence de nos jours. L’EHA (Eau, Hygiène et Assainissement), a-t-il précisé, permet de lutter contre les maladies diarrhéiques ou des infections répétées de nématodes intestinaux qui restent une des causes de la malnutrition.
Il a par ailleurs souligné que « l’apport des ONG dans le cadre de la prise en charge des cas de malnutris est très important surtout avec la gratuité des intrants. Il y a certains programmes qui prennent aussi en charge les gardiennes d’enfants. Cette prise en charge se fait au milieu hospitalier, ou ambulatoire, selon les cas, c’est-à-dire, les cas sévères sont hospitalisés et traités et les cas modérés en ambulatoire font des vas et bien ».
Accès au Wash
Le Mali a ratifié, depuis quelques années, plusieurs documents sur le plan international en ce qui concerne l’accès de tous les Maliens à l’eau, l’hygiène et l’assainissement. Malgré ces engagements de portée internationale, l’accès à l’eau, l’hygiène et l’assainissement présente un tableau sombre. Les données de l’enquête SMART réalisée en 2020 révèlent qu’au niveau du WASH, le taux d’accès à l’eau potable en 2019 est de 69,2% au niveau national (65,8% en milieu rural et 77,7% en milieux urbain et semi urbain) contre 39% en assainissement de base (29% en milieu rural et 53% en milieu urbain). Cette situation interpelle aujourd’hui le gouvernement et les ONG intervenant dans le secteur de Wash.
Selon la présidente de l’Association Malienne pour la Sauvegarde du Bien être Familial (AMABIF), Mme Barry Aminata Touré, « l’eau et la nutrition vont de pair et aujourd’hui le combat pour l’accès au Wash est primordial pour venir à bout de la malnutrition, car l’eau potable permet à la communauté d’accéder à la production alimentaire à travers plusieurs activités dont le maraîchage. Et ces produits maraichers qui contiennent des vitamines telles la vitamine A, C et le fer qui sont indispensable à la croissance de l’enfant permettent à la population d’assurer la nourriture dans les ménages en vue de lutter contre la malnutrition des enfants qui sont l’avenir du pays ».
Elle a par ailleurs ajouté que le Mali dispose d’une stratégie nationale WASH et Nutrition ainsi qu’un nouveau plan d’action multisectorielle de la nutrition bien détaillé qui, une fois mise en œuvre correctement, permettra de soulager des millions d’enfants qui souffrent de mal nutrition à travers le pays.
Malgré les efforts du gouvernement et de ses partenaires, la Présidente de l’ONG AMABIF mise sur la sensibilisation pour gagner le combat contre la malnutrition. Elle appelle à une synergie d’action entre les différents acteurs mais aussi à l’implication des journalistes nutritionnistes à travers des spots de sensibilisation, des reportages ou des émissions en langues locales. A ses yeux, ce sont des armes redoutables pour éradiquer la malnutrition. La sensibilisation, reconnaît Mme Barry Aminata Touré, reste le meilleur moyen de lutter contre ce phénomène.
Mohamed Aboubacar kanouté
Source : Mali24