Contentieux entre Technicom SARL et INSTAT : La requérante déboutée pour recours mal fondé
Le CRD ordonne la poursuite de la procédure de passation du marché
Le Comité de Règlement des Différends de l’Autorité de Régulation des Marchés publics et des Délégations de Service public (ARMDS) statuant en formation contentieuse sur le recours non juridictionnel de la société TECHNICOM SARL contestant le motif de rejet de son offre consécutive à l’appel d’offres ouvert national n°001/F-INSTAT-cccc-2023 relatif à l’acquisition de matériels informatiques pour le compte de l’Institut National de la Statistique (INSTAT) dans le cadre de l’enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM), déboute la requérante et ordonne la poursuite de la procédure de passation du marché en cause.
e mardi 06 juin mai 2023, le Comité de Règlement des Différends de la Direction générale des Marchés publics et des Délégations de Service public a délibéré conformément à la loi et a adopté une délibération fondée sur les faits, la régularité du recours et les moyens exposés dans une affaire opposant la société TECHNICOM SARL à l’Institut National de la statistique. La séance était présidée par Alassane Ba du CRD.
Le décor
Le 23 mars 2023, la Direction générale de l’INSTAT a lancé dans le quotidien national “L’Essor” n°19861 l’avis auquel a soumissionné la société TECHNICOM SARL en plus de sept (7) autres. Le 12 mai 2023, par Lettre n°00388/DMP/DSP-DB, le Directeur des Marchés publics et des Délégations de Service public du District de Bamako a accordé son avis de non objection sur le rapport de dépouillement et de jugement des offres concernant cet appel d’offres ouvert national. Le 16 mai 2023, le Directeur général de 1’INSTAT a notifié aux différents soumissionnaires ainsi qu’à la requérante son intention d’attribution du marché à l’entreprise TOUNKARA INFORMATIQUE pour un montant de 121 500 000 de francs CFA.
Dans sa lettre n°037/2023 du 19 mai 2023, le Directeur général de la société TECHNICOM SARL a sollicité du Directeur général de 1’INSTAT des éclaircissements à travers un débriefing concernant l’évaluation des offres ainsi que le détail des motifs de rejet de son offre.
Par lettre n°000572/MEF-INSTAT du 19 mai 2023, reçue le 22 mai 2023, le Directeur général de l’INSTAT a informé la société TECHNICOM SARL des motifs du rejet de son offre.
Primo, le marché n°003/F/2019/ON/FED/MLI/CRIS des trois (3) marchés présentés dans l’offre est conforme aux exigences du Dossier d’Appel d’offres ; alors que les deux (2) autres (n°4283 et n°4285/DRMP-2019) ne mentionnent pas la quantité des ordinateurs.
Secundo, la langue du clavier ne ressort nulle part dans les spécifications techniques et la langue du clavier dans le catalogue est en anglais contrairement aux exigences demandées qui prévoyaient un clavier AZERTY en français.
Par lettre du 23 mai 2023, reçue le 24 mai 2023, le Directeur général de la société TECHNICOM SARL a introduit un premier recours devant le Comité de Règlement des Différends (CRD) de l’Autorité de Régulation des Marchés publics et des Délégations de Service public (ARMDS) aux fins de contester les motifs de rejet de son offre. Ledit recours a été retiré par lettre n°043/2023 du 30 mai 2023. Le 25 mai 2023, le Directeur général de la société TECHNICOM SARL a exercé un recours gracieux auprès du Directeur général de 1’INSTAT pour contester les motifs de rejet de son offre.
En réponse à ce recours gracieux, le 29 mai 2023, le Directeur général de 1’INSTAT a déclaré qu’ayant reçu du CRD la communication du recours exercé par la requérante, il était au regret de ne pouvoir donner suite à ce recours qui aurait dû être exercé avant la saisine du CRD et s’en remettait à la décision dudit comité ; il lui a aussi rappelé sa ferme volonté d’acquérir des produits de meilleure qualité au meilleur prix possible.Par Lettre n°046/2023 du 30 mai 2023, reçue le même jour, le Directeur général de la société TECHNICOM SARL a introduit un nouveau recours contre les motifs de rejet de son offre auprès du CRD.
Recours recevable selon le CRD
Considérant que l’article 120.1 du décret n°2015-0604/P-RM du 25 septembre 2015, modifie, portant code des marchés publics et des délégations de service public, modifié, prévoit que “tout candidat ou soumissionnaire s’estimant lésé au titre d’une procédure de passation d’un marché ou d’une délégation de service public est habilité à saisir l’autorité contractante ou l’autorité délégante d’un recours gracieux à l’encontre des procédures et décisions lui causant ou susceptibles de lui causer préjudice”. Que l’article 120.4 du même décret, dispose “le recours gracieux doit être exercé dans les cinq (5) jours ouvrables de la publication de la décision d’attribution du marché ou de la délégation de service public, de l’avis d’appel d’offres, ou de la communication du dossier d’appel d’offres. Il a pour effet de suspendre la procédure d’attribution jusqu’à la décision définitive de l’autorité contractante ou de l’organe chargé de la régulation des marchés publics et des délégations de service public.
L’autorité contractante est tenue de répondre à ce recours gracieux dans un délai de trois (3) jours ouvrables à compter de sa saisine, au-delà duquel le défaut de réponse sera constitutif d’un rejet implicite dudit recours”.
Qu’aux termes de l’article 121.1 du décret précité “les décisions rendues au titre du recours gracieux peuvent faire l’objet d’un recours devant le Comité de règlement des différends dans un délai de deux (2) jours ouvrables à compter de la date de notification de la décision faisant grief”.
Considérant que par lettre n°037/2023 du 19 mai 2023, le Directeur général de la société TECHNICOM SARL a sollicité des éclaircissements auprès du Directeur général de l’INSTAT, qui a été répondue le 22 mai 2023 ;
Considérant que le 25 mai 2023, le Directeur général de la société TECHNICOM SARL a exercé son recours gracieux aux fins de contester les motifs de rejet de son offre auprès de la Direction générale de l’INSTAT ; Que ce recours a été répondu défavorablement par le Directeur général de l’INSTAT le 29 mai 2023 ;
Considérant que le Directeur général de la société TECHNICOM SARL, a saisi, le 30 mai 2023, le CRD pour contester les motifs de rejet de son offre, ce, conformément aux dispositions des articles 120 et 121 du Décret n°2015-0604/P-RM ci-dessus indiquées ;
Qu’il y a donc lieu de déclarer le recours de la société TECHNICOM SARL recevable devant le CRD.
Les arguments de TECHNICOM SARL
Au soutien de son recours, le Directeur général de la société TECHNICOM SARL indique : Qu’il avait demandé un débriefing qui a été répondu avec les mêmes motifs indiqués dans la lettre d’intention d’attribution.
Que dans la précipitation, il a exercé un recours non juridictionnel sans passer par le recours gracieux auprès de l’autorité contractante auquel il a dû renoncer.
Que par la suite, il a fait une réclamation à travers un recours gracieux pour lequel la réponse de l’autorité contractante a été que le dossier est au niveau de 1’ARMDS.
Qu’en effet, son offre a été écartée au motif que les attestations de bonne exécution et les Procès-verbaux (PV) de réception des marchés n°4283/DRMP-2019 et n°4285/DRMP-2019 ne mentionnent pas les quantités livrées et le clavier des ordinateurs est QWERTY au lieu de AZERTY.
Qu’il y a lieu d’attirer l’attention sur le fait que les PV et attestations de bonne exécution émanent d’un service public qui a sa façon d’élaborer ses documents ; il appartenait donc à l’autorité contractante de saisir ledit service pour confirmer l’authenticité des documents et demander les quantités livrées, ou bien lui demander les informations complémentaires telles que prévues par la procédure.
Que les critères de qualification du dossier d’appel d’offres exigent par marché similaire au moins 20 ordinateurs alors que pour les marchés n°4283/DRMP-2019 et n°4285/DRMP-2019, il a livré respectivement six cent vingt-trois (623) ordinateurs et cinq cent quatre-vingt-treize (593) ordinateurs; ces quantités sont largement au-delà des critères.
Qu’en ce qui concerne le clavier, nulle part dans son offre, il est indiqué un clavier QWERTY. Qu’il est conscient que la plupart des services réclament le clavier AZERTY qui est un clavier français conforme à la langue utilisée au Mali ; à ce niveau également, une simple demande. Qu’enfin, il attire l’attention sur le fait que son offre a été écartée au profit d’une autre plus chère de vingt-cinq millions huit cent dix-huit mille sept cent cinquante (25 818 750) francs CFA TTC.
La défense de la Direction générale de l’INSTAT
Dans sa lettre de transmission des pièces du dossier, le Directeur général de l’INSTAT précise que suivant le recours n°043/2023 de la société TECHNICOM SARL adressé au CRD, il n’y a aucune mention de contestation concernant l’appel d’offres ouvert national n°001/F-INSTAT-EHCVM-2023.
Qu’à l’analyse de son dossier, il a fait les constats suivants :
D’abord, la langue du clavier demandé, dans les spécifications techniques est AZERTY en français avec rétro-éclairage, ne ressort nulle part dans les spécifications techniques proposées par la requérante et la langue du clavier dans son catalogue est en anglais selon l’image de l’ordinateur présentée ; ensuite, le type de l’ordinateur n’est pas précisé dans les spécifications techniques ni dans son catalogue propose ; enfin, la société a fourni des marchés similaires dont un seul (n°003/F/2019/0N/FED/MLI/CRIS) fait ressortir la quantité des ordinateurs fournis que les PV de réception et les contrats de deux autres marchés fournis (n°4283 et n°4285/DRMP-2019) ne font pas ressortir la quantité des ordinateurs.
La sentence
Sur l’indication des quantités des fournitures livrées sur les contrats similaires proposés par la requérante :
Considérant que le dossier d’appel d’offres, au niveau du point 3.1 des critères de qualification, prévoit, entre autres, que “le candidat doit prouver qu’il a exécuté au moins deux marchés de fourniture de matériels informatiques pour une quantité égale au moins à 20 ordinateurs chacun au cours des cinq dernières années (2018, 2019, 2020, 2021 et 2022). Pour chaque marché similaire, les pièces justificatives probantes à fournir comprennent les preuves de la réalisation dudit marche (PV de réception, attestation de bonne fin ou bordereau de livraison) avec les pages de garde et de signature desdits contrats et l’adresse exacte du maitre d’ouvrage ou tout document émanant d’institutions publiques ou parapubliques ou internationales permettant de justifier de sa capacité à exécuter le marché dans les règles de l’art”.
Considérant que la requérante, pour satisfaire cette exigence, a fourni les preuves portées par les pages de garde, de signature et de PV de réception des contrats cités plus haut. Considérant que les documents remis en cause par l’autorité contractante sont ceux des marchés n°3153/DRMP-2019 et n°3154/DRMP-2019 ;
Considérant qu’il ne figure pas sur ces documents fournis par la société TECHNICOM SARL (pages de garde, de signature et PV de réception des marchés similaires) les quantités des ordinateurs livres.
Que dès lors, la société TECHNICOM SARL n’a pas satisfait aux exigences du dossier d’appel d’offres à ce niveau ;
Qu’ainsi le recours de ladite société est mal-fondé pour ce grief.
Sur la langue du clavier des ordinateurs proposés
Considérant qu’il est exigé dans les spécifications techniques des ordinateurs contenues dans le DAO, un clavier “AZERTY français avec rétro-éclairage”.
Considérant que l’offre de la société TECHNICOM SARL ne donne aucune précision sur la qualification du clavier en AZERTY ou en QWERTY pouvant permettre à l’INSTAT de pouvoir déclarer que le clavier proposé est conforme ou non au dossier d’appel d’offres.
Que de ce fait, l’offre de la société TECHNICOM SARL souffrant de la précision de la qualité du clavier devis les spécifications techniques du dossier d’appel d’offres.
Que le recours de cette société est aussi mal-fondé pour ce deuxième grief.
Qu’au regard de tout ce qui précède, la commission d’évaluation des offres de l’INSTAT a écarté, à bon droit, l’offre de la société TECHNICOM SARL.
En conclusion, le CRD déclare que le recours de la société TECHNICOM SARL est recevable, d’une part ; et d’autre part, dit que ce recours est mal fondé ; et ordonne la poursuite de la procédure de passation du marché en cause.
El Hadj A.B. HAIDARA
Aujourd’hui Mali