Dégradation sans précèdent des relations franco-maliennes : Entre Assimi Goïta et Emmanuel Macron, qui tient le bon bout ?
Depuis l’installation pleine et effective du Colonel Assimi Goïta comme président de la Transition, à l’occasion de ce qui a été appelé la « rectification de la Transition », les relations entre Bamako et Paris n’ont eu de cesse de se dégrader. Elles ont atteint, semble-t-il, un point de non-retour. Désormais, le gouvernement malien accuse la France d’avoir soutenu les groupes armés terroristes qui écument le nord du pays. Il assure en avoir les preuves mais demande la tenue d’une réunion spéciale au Conseil de Sécurité de l’ONU afin qu’il les présente à la face du monde. De son côté, Paris parle de déclarations mensongères qui n’honorent point la mémoire de ses soldats morts dans la lutte contre le terrorisme. Des deux camps, qui croire ? Exercice d’autant difficile que les accusations sont d’une rare gravité et que les preuves tardent à se montrer.
Dans la lettre qu’il a adressée au président de Conseil de Sécurité, l’ambassadeur chinois Zhang Jun (présidence tournante), le ministre des Affaires Etrangères du Mali y parle de « fournitures d’armes », de « collecte de renseignements », d’« espionnage et d’intimidation », menés par les forces françaises au profit des terroristes. C’était le 15 aout dernier. Le gouvernement de transition aurait recensé plus de 50 cas de violations de son espace aérien, par des « aéronefs étrangers dont certains sont français ». D’autres faits sont mentionnés dans la lettre, et tous, font état d’actes de complicité avec les terroristes et de tentative de déstabilisation. Dans ladite lettre, demande est faite au Conseil de Sécurité de l’ONU de tenir une réunion spéciale, aux allures de procès au niveau diplomatique, dans lequel le Mali serait demandeur. Demande qui, jusqu’à l’heure, n’aurait pas eu une réponse favorable.
En début de semaine dernière, lors d’une réunion du Conseil de Sécurité de l’ONU, beaucoup avaient pourtant cru, qu’enfin, les preuves seront présentées, ne serait-ce qu’en partie. Au lieu de cela, l’on a assisté à une passe d’armes entre le représentant français à l’ONU et le ministre des Affaires Etrangères. Ce dernier, tout en réitérant à nouveau les accusations contre la France, a insisté sur la tenue de la réunion spéciale tant espérée du côté malien. Un fait qui aura interloqué nombre d’observateurs, c’est que le ministre Diop demande directement à la France de permettre la tenue de ladite réunion. Cette dernière serait-elle réticente quant à l’idée ?
Une chose à retenir, cependant, c’est que la lassitude gagne du terrain par rapport à ce dossier car cela fait plus de deux mois que ça dure. Si les autorités de la Transition persiste et signe sur la détention de preuves étayant la duplicité et la complicité de la France dans la guerre contre le terrorisme, c’est que, selon toute logique, elles les a. Dans cette affaire, la Transition risque énormément : sa crédibilité mais aussi sa fiabilité. Mais, en l’absence de réunion spéciale, pourquoi ne pas lever un coin du voile afin d’édifier nombre de Maliens et d’Africains sur cette affaire ? Plus le temps passe, plus le mystère s’épaissit, et les interrogations augmentent.
Pourquoi demander à la France de bien vouloir accepter la convocation de ladite réunion spéciale, alors que la Russie, elle aussi membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, nouvel grand allié du Mali, peut porter la demande des autorités maliennes afin qu’elle se concrétise ? Les soutiens de la France aux terroristes du Mali visaient-elles le groupe de l’Etat Islamique au Sahel ou le Groupe de Soutien et de Prédication de l’Islam d’Iyad Ag Ghaly ? Ces soutiens ont-ils commencé dès le début de la présence militaire française au Mali ou tout juste à l’arrivée des Militaires au pouvoir ? Et surtout, en voulant montrer ses preuves à l’occasion d’une réunion spéciale, au-delà de prouver la véracité de ses accusations, la Transition-a-t-elle d’autres visées ?
A défaut d’avoir sa réunion spéciale, le gouvernement malien devra bien, à un moment ou à un autre, divulguer les preuves en sa possession. Rappelons aussi que le Premier ministre par intérim, à l’occasion de la session ordinaire des Nations-Unies tenue le 24 septembre dernier, pouvait présenter au moins une partie des preuves. Egalement, la lettre adressée au Conseil de Sécurité pouvait en contenir. Une chose est sûre, de l’issue de cette désormais « affaire juridico-diplomatique » dépendra tout un pan de la diplomatie malienne des années à venir.
Ahmed M. Thiam