Douane malienne : Le DG prouve son impuissance
Depuis l’arrivée en septembre 2021 de l’Inspecteur général Amadou Konaté, à la tête de la Douane malienne, la gabegie s’y accentue au jour le jour. Du coup, c’est le lieu pour beaucoup de Maliens, de soutenir que le milieu douanier est le plus corrompu et qu’il est dirigé par un homme de dossier qui manque d’autorité. Et le non respect des différentes lettres circulaires du DG par ses propres agents confirme que la Douane malienne est, aujourd’hui, un serpent sans tête. Malgré ce constat patent, une certaine loi du silence entoure le sujet.
«L’institution ne peut admettre des corrompus dans ses rangs », indique un responsable de la section malienne du « FDIH » (Fédération internationale des droits de l’homme). Selon lui, la légèreté de la lutte anti-corruption dans le milieu des Douanes est volontaire car de nombreuses personnes en profitent.
Les opérations « mains propres » et la chasse aux sorcières ne seraient donc que de la poudre aux yeux. Toujours est-il que beaucoup de Maliens doutent des intentions des pouvoirs publics de lutter contre la corruption. « Il n’y a aucune volonté politique de lutte contre la corruption, encore moins d’assainissement de la sphère du commerce extérieur gangrenée par la grande corruption et les intérêts mafieux », soulignent des observateurs.
Plus d’une centaine de faux importateurs sont identifiés par l’administration fiscale. Les fraudeurs utilisent des prête-noms et des registres de commerce loués ou falsifiés et dont le nombre est effarant comparé à celui des importateurs légalement établis.
Un tour au niveau des services de recouvrement suffit pour se rendre compte de l’évidence du phénomène. De 2013 à 2020, tous les opérateurs économiques maliens en activité dans le commerce extérieur ont été enregistrés.
Chasse gardée des dignitaires du régime depuis sa libéralisation et l’annulation du monopole de fait depuis la chute du Président IBK, «mamelle intarissable » pour les insatiables barons de l’importation, le commerce extérieur est peuplé (d’après un syndicaliste des Douanes) «d’une faune d’affairistes, d’importateurs frauduleux, de commerçants sans scrupules, etc. ». Et de s’interroger : «L’administration des Douanes continue de considérer cette faune comme un partenaire. Comment, dès lors, s’étonner que la corruption prenne de telles proportions ? ».
Faute d’obtenir du pouvoir politique l’assainissement (hypothétique) de la sphère du commerce extérieur, l’administration des Douanes multiplie les campagnes de lutte contre la corruption. « Il y a eu des arrestations et des licenciements. C’est un travail que nous effectuons en profondeur et en silence car cela touche l’intégrité des personnes », déclarait le dirlo des Douanes qui explique le développement de la corruption par le contact facile entre douaniers et opérateurs économiques.
« Outre les poursuites directes contre le contrevenant, nous prévoyons la mise en place de procédures informatisées où la main de l’homme sera réduite à sa plus simple expression. Tout se fera dans les normes», avait-il promis. L’Inspecteur général Amadou Konaté avait déjà eu à lever un coin de voile sur son plan de modernisation des Douanes.
« La modernisation des moyens de travail et des méthodes de gestion de l’institution avec la transparence requise, la réhabilitation et la crédibilisation de l’institution, la consolidation de l’éthique douanière, le développement des ressources humaines et de la formation sont également des moyens de lutte contre la corruption » ; avait-il indiqué. Mais… « un an plus tard, on n’a rien vu de tout cela», constate notre responsable syndical des Douanes.
Sujets à des blocages ou otages de luttes sourdes d’intérêts mafieux, les « programmes de modernisation » des Douanes, annoncés en fanfare par le Dg des gabelous n’iront pas au-delà des bonnes intentions. La magouille et les détournements (le dernier en date est la disparition du chèque de 5 milliards de la SONATAM, entre le bureau de Kati et le Trésor) au niveau des services de la Douane, auxquels s’ajoutent, les trafics ; les fausses déclarations en douane, avec à la clé, « le flou artistique » entretenu par les douaniers, illustrent bien l’incurie ambiante qui règne au sein de la Douane malienne.
Magouilles à la pelle
Décidemment, la Douane malienne est aujourd’hui un serpent sans tête. Autrement dit, elle est dirigée par un homme de dossier mais qui manque d’autorité. Pour la simple raison que le chef apparaît aux yeux de ces subalternes comme un jouet, prêt à tout subir. Voilà, d’un trait, tout le sens du laisser-aller actuel au sein des services des Douanes du Mali.
Autre conséquence de la forfaiture du service des Douanes : le mécontentement général des Agents. Annoncé, à grands renforts de publicité, le redéploiement du personnel au niveau de certains bureaux des Douanes n’a pas donné les résultats escomptés. Bien au contraire. L’homme-cabot a été mis à la place-pivot. Et vice versa.
Illustration de cet échec patent : l’usage abusif des anticipations, c’est-à-dire la perception des droits sur des marchandises, qui n’ont pas franchi le cordon douanier.
Le DG des douanes, l’inspecteur général Amadou Konaté, pour compléter et dépasser son quota de recettes de Décembre dernier a dû encaisser 6 milliards FCFA sur les recettes du mois de janvier finissant. Voilà, d’un trait, le sens à donner à la réalisation des 70 milliards FCFA de recettes à la date du 31 décembre dernier.
Une certitude : depuis septembre 2021 où l’Inspecteur général, Amadou Konaté a été nommé à la tête des douanes maliennes, chaque mois, il y a des excédents de recettes. Et c’est avec l’usage abusif des anticipations que de 35 milliards FCFA, les recettes douanières se chiffrent, aujourd’hui, à plus de 40 milliards par mois. Mais avec cette stratégie des anticipations, la Direction générale des Douanes, a déjà, encaissé plus de 20 milliards FCFA sur les recettes du premier trimestre de 2022.
Au moment où nous mettons sous presse, des milliers de tonnes de marchandises, appartenant à des opérateurs économiques sont en souffrance au niveau des services de la Douane. Motif : les droits auraient été encaissés, depuis belle lurette. Mais les Chefs de service, eux, refusent de livrer les marchandises. Du moins, sans l’accord écrit du Directeur général des Douanes, qui ne semble pas vouloir s’y résoudre.
Mais dans le fond, ce sont les magouilles qui entourent ces anticipations, qui donnent froid dans le dos de plus d’un agent. « Lorsqu’un opérateur économique paie par anticipation, sur une importation de 10.000 tonnes, il en fait venir 20.000 tonnes. Les droits des 10.000 autres tonnes s’en vont en fumée », indique un agent des Douanes, qui sait de quoi il parle. Et un ancien haut responsable des Douanes de commenter : « l’ECOR (la fiche établie par l’agent de constatation) a beau fonctionner correctement, il ne serait d’aucune utilité si les agents qui l’exécutent ne veulent rien voir ».
La mise à jour de l’ensemble des activités et moyens des douanes, à laquelle l’État a consacré plusieurs milliards de francs CFA (acquisition de matériels roulants, de scanners mobiles, informatisation, recrutement, formation du personnel, etc.) pourra-t-elle pour autant permettre de nettoyer les « écuries d’Augias » de la Douane du Mali ? Pas si sûr !
Mais la lutte contre la corruption est simple : il suffit de comparer les ressources d’un douanier à son train de vie. Mais on ne n’y tient pas ; on sacrifie plutôt « les petits » en les présentant comme « les méchants », histoire de « jeter de la poudre aux yeux » des autres. En fait, les gabelous sont si intelligents que lorsqu’ils jouent aux « ignorants », ils réussissent mieux que quiconque.
Au lieu de s’attaquer au gros de l’import-export, ces douaniers corrompus s’acharnent plutôt contre un pauvre immigré qui a importé une simple perceuse pour bricoler sa maison qu’il a achetée après de longues années de dur labeur.
Pauvre de nous !… Mais depuis un certain temps, le départ du Dg des Douanes, l’inspecteur général Amadou Konaté, se murmure dans les salons feutrés.
Nous y reviendrons.
Arouna Traoré