Écoles privées : Le calvaire des enseignants
Des enseignants des écoles privées broient du noir pendant les vacances. Sans prime forfaitaire, ils vivent des moments pénibles jusqu’à la reprise des cours.
Comparativement aux enseignants fonctionnaires de l’Etat ou des collectivités, la plupart des enseignants des écoles privées, payés en dessous du SMIC, ne perçoivent le moindre centime de la part de leurs employeurs durant les vacances.
Cette période de repos se transforme vite en une période d’angoisse. «Les conditions de vie pendant les vacances sont vraiment difficiles parce que nous ne sommes pas payés. Avec mes deux frigos, je vends des jus pour subvenir à mes besoins», a fait savoir Fatoumata Cissé, enseignante dans une école privée de la commune rurale du Mandé.
«Je suis payée à 30.000FCFA par mois. Au premier cycle ici, nous travaillons plus de 100 heures dans le mois sans compter les heures de préparation des leçons à domicile. Pour bien préparer, une leçon cela nous prend souvent une heure voire deux heures», détaille une enseignante sous le couvert de l’anonymat.
12 mois sur 12
«Je connais des écoles privées où les enseignants sont payés 12 mois sur 12 en plus de la protection sociale, c’est-à-dire avec INPS et AMO. Certes, elles ne paient pas au même titre que l’Etat mais c’est raisonnable. En exemple, on peut citer le Complexe Cheick Modibo Diarra, le Vivrier de la Sema-Education, etc.», a ajouté B.K, enseignant également dans une école privée sur place. Certains n’hésitent pas à évoquer un manque de volonté de la part des promoteurs. Heureusement que n’est pas le cas pour tout le monde car certains promoteurs fournissent un peu d’efforts pendant ‘’la période de soudure’’ en payant à leurs employés la moitié du salaire convenu. «Notre promoteur nous donne la moitié de notre salaire bien que ce soit insuffisant. Je me souviens même pendant les crises de la Covid-19, il nous a payé les 6 mois non travaillés en donnant la moitié du salaire», témoigne H.A.D, enseignante dans une école privée de Sirakoro-dounfing.
Selon Katio Diarra, juriste, les enseignants sont eux-mêmes les fautifs en grande partie de cette situation. Il les appelle à exiger l’application du Code du travail, notamment la signature d’un contrat en bonne et due forme. Il reconnaît que la précarité pousse de nombreuses personnes en quête d’emplois à accepter des conditions de travail contre leur gré au niveau du secteur privé en général et des écoles privées en particulier. «Les gens ont peur et c’est compréhensif», a-t-il précisé.
Plusieurs promoteurs d’écoles remettent en cause le niveau des frais de mensualité des élèves qu’ils trouvent très bas et ne peut couvrir les besoins des écoles. «Le pouvoir d’achat du citoyen n’est pas à la hauteur de souhait pour payer une somme raisonnable. Or, on doit payer les matériels didactiques, les taxes et impôts, les factures d’eau et d’électricité, la location, les enseignants également. C’est très difficile pour nous de payer les enseignants à leur souhait. On n’a aucun élève au compte de l’Etat, donc aucune subvention. Ici chez moi par exemple, la mensualité va de 3000 à 8000 FCFA avec un effectif restreint et des impayés. C’est très difficile », nous confie un promoteur.
Comme solutions, certains ont leurs idées. Ainsi Gouantilé Coulibaly, enseignant au second cycle de l’école Kafougou Diabaté de Sébénicoro, souhaite que le gouvernement subventionne les écoles privées à différents niveaux d’enseignement en vue de prendre en charge une partie des salaires des enseignants. Quant à Bemba Sanogo, professeur d’histoire et de géographie au lycée Kafougou Diabaté, il appelle le gouvernement à prendre des mesures imposant aux écoles privées le paiement de leurs enseignants durant les douze mois de l’année. Dans ses revendications, la Synergie des enseignants signataires du 15 octobre 2016 devrait mettre aussi l’accent sur ce point : les meilleures conditions possibles à leurs collègues du privé, gage d’un enseignement de qualité.
Boubacar Idriss Diarra et Alima Doumbia, stagiaire