Entre Nous : La Cour face à…. elle -même !
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Dans le but de réaliser «un audit spécial sur le financement de leurs activités et sur tout fonds qu’ils auraient reçu» de la période de juillet 2000 à mai 2025, le Président de la Section des Comptes de la Cour suprême du Mali a invité les présidents des partis politiques à lui faire parvenir les documents et pièces nécessaires, plus tard au 30 juin 2025.
Dr Mahamadou Konaté, universitaire, est formel : «À première vue, une telle initiative pourrait relever d’une noble exigence de reddition de comptes. Mais à y regarder de plus près, cette lettre, tant dans sa forme que dans son fond, est l’illustration tragique de l’agonie de l’État de droit au Mali. La justice y est nue, désarmée, prise en otage. Un véritable viol de cadavres politiques, perpétré par ceux-là mêmes qui devraient veiller au respect de leur mémoire institutionnelle».
Selon lui, «les partis politiques ont été illégalement dissous par décret, le 13 mai 2025, le même jour où a été promulguée la loi abrogeant la Charte les régissant…comment peut-on expliquer qu’en cette même journée, où il n’existe plus de Charte des partis politiques ni partis actifs, le président de la Section des comptes s’adresse aux «Présidents des partis politiques» ? ».
Il estime que «cette contradiction ne semble pas être une simple bévue administrative. C’est peut-être la preuve d’un mépris total pour la cohérence institutionnelle, d’une instrumentalisation cynique de la justice pour habiller de légalité une opération de vilipendage politique post-mortem ».
Dr Mahamadou Konaté est sans équivoque dans sa tribune : « Soyons clairs : le but de cet audit post-mortem n’est pas judiciaire, mais très probablement politique. Cela a tout l’air d’une manœuvre de diversion, une tentative désespérée de créer un ennemi rétrospectif, un coupable de substitution, pendant que le peuple ploie sous le fagot du quotidien ; détourner l’attention des citoyens des véritables problèmes qui minent notre pays, pour la recentrer, ne serait-ce qu’un temps, sur des questions problématiques liées au gaspillage des ressources publiques, perpétré par ceux qui sont désormais des dinosaures politiques incapables de se défendre ».
Dans une tribune largement diffusée, Me Mountaga Tall écrit : «Il ne s’agit de faire un audit pour connaître la vérité sur les comptes des partis politiques mais simplement d’une opération en vue de les salir et de les discréditer…. Le Premier ministre demande donc à la Section des comptes de la Cour suprême de violer la loi. Elle aurait dû lui expliquer que sa demande était illégale. Pour ce qui nous concerne, c’est un piège dans lequel nous ne tomberons pas», Et cette figure emblématique du Mouvement démocratique d’interpeller : « La Section des comptes de la Cour suprême, pour obtenir satisfaction, doit demander la levée de ces interdictions et le rétablissement des partis politiques. A défaut, elle doit s’assumer devant le Premier ministre en lui indiquant clairement que la mission assignée est impossible à exécuter dans le respect de la loi ».
La Section des comptes de la Cour suprême est face à elle-même dans cette affaire. Chaque année, elle était chargée de valider les comptes des partis politiques. Pour bénéficier du financement, chaque formation politique était certifiée par les juges de la Section des Comptes de la Cour suprême. A l’exception d’une année (en 2005, le Président ATT a pris la décision d’octroyer le financement public aux partis contre l’avis de la Cour), la plus haute juridiction du pays a donné son quitus en donnant les noms des partis politiques qui remplissaient les critères d’accessibilité.
Chiaka Doumbia
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