Entre Nous : Martyrs…trahis ?
Ces 10, 11, 12 et 13 juillet 2025 consacraient le cinquième anniversaire de la répression des manifestations organisées par le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) sous le régime du Président Ibrahim Boubacar Kéita. Des journées de braises ! Dans un rapport d’enquête à l’époque, la Minusma a fait cas « de 14 manifestants morts dont deux enfants, 40 manifestants blessés lors des interventions des forces de maintien de l’ordre et 118 agents des forces de défense et de sécurité dont 81 fonctionnaires de police blessés du fait d’actes de violence imputables aux manifestants ». Le quartier de Badalabougou, où se trouve la mosquée de l’Imam Mahmoud Dicko, fut l’épicentre de ces tragiques évènements.
Ceux qui ont perdu la vie ou qui ont été blessés ces jours-là se battaient pour un véritable changement dans la gouvernance du pays. Excédés des années d’espoirs déçus sur fond de promesses non tenues, ils aspiraient à un avenir meilleur dans un pays débarrassé des tares de la corruption et de la mauvaise répartition des ressources publiques. Ils voulaient une lutte implacable contre le cancer de la corruption et la fin de l’impunité. Ils sollicitaient plus d’efforts du gouvernement dans la lutte contre la cherté de la vie. Ils demandaient plus de justice. Ils exigeaient plus de transparence. Ils réclamaient la fin de l’insécurité et la sécurisation de nos villes et campagnes.
Que sont devenues ces doléances ? « Il n’y a que la vérité qui blesse », dit-on. Dans une tribune qu’il a intitulée « Répondons à l’appel du Mali ! », Dr Choguel Kokalla Maïga, celui-là même qui a conduit l’action gouvernementale en qualité de Premier ministre de juin 2021 à novembre 2024 au nom du M5-RFP, a fait un aveu terrible sur un système qu’il aura largement contribué à imposer à la population. «…Toutes les anciennes méthodes et pratiques du pouvoir défunt combattues par le Peuple malien refont surface : extension de la misère, exposition ostentatoire de richesses mal acquises d’une minorité pendant que la majorité du Peuple croupit dans la misère, la corruption généralisée, surtout la corruption de la jeunesse et des gens les moins vertueux notoirement connus, enlèvements, emprisonnements et menaces systématiques pour délit d’opinion, agressions verbales, injures et menaces de toutes sortes dans le but de réduire au silence les gens vertueux et responsables, élimination politique de toute voix discordante en utilisant la Justice, réduction au silence de tous les acteurs gênants par la peur généralisée, la remise en cause systématique des principaux acquis du changement de 2020 ». De quoi tomber des nues !
Cinq ans après, force est de se rendre à la cruelle évidence que les martyrs de Badalabougou et ailleurs sont morts à jamais. Bel et bien morts ! Et pour rien ! La preuve par X. La démocratie ? Elle est sous les bottes. Le pouvoir d’Etat ? Il est confisqué par les auteurs du coup d’Etat du 18 août 2020 et leurs soutiens ! Que dire des arrestations et emprisonnements de citoyens pour leurs opinions ? Des enlèvements et séquestrations de personnes ? De la dissolution des partis politiques et associations à caractère politique ? Des menaces plombant les libertés ?
Les martyrs des 10, 11, 12 et 13 juillet 2020 et les blessés à vie ont été trahis par les responsables du M5-RFP, dont certains ont vendu le combat commun à vil prix. Les Judas du Mouvement insurrectionnel se sont rendus complices de la restauration de l’ordre kaki. Ils ont renié les engagements d’hier portés par la vox populi exigeant un changement dans la gouvernance du pays. Ils ont trahi la lutte sur l’autel des ambitions personnelles et égoïstes. « Chaque cause a ses traîtres », selon un adage.
Par Chiaka Doumbia
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