Fiscalité et dépenses budgétaires des communes au Mali :10% et 11% des recettes budgétaires des communes constituées des impôts et taxes
« La fiscalité locale constituée des impôts et taxes ne représente que 10% et 11% des recettes budgétaires des communes du Mali. Cela pose un véritable défi pour l’avenir de la décentralisation au Mali… » C’est l’un des constats faits par l’Observation du Développement humain durable et de la lutte contre la pauvreté dans son étude intitulée : « Fiscalité et dépenses budgétaires des communes du Mali ».
Cette étude, selon Mme Diéminatou Sangaré, ministre de la santé et du développement social, se propose de mettre en évidence les liens entre la fiscalité des communes et le développement humain durable à travers une analyse basée sur des revues documentaires, des entretiens qualitatifs auprès d’acteurs pertinents et des données des différentes directions/structures concernées. L’étude nous apprend que les premières sources de revenus des communes sont principalement constituées des transferts reçus d’autres administrations et des subventions d’investissements. « Ces postes avoisinent les 84% des recettes collectées (71% pour les transferts reçus des autres administrations et 12,6% pour les subventions d’investissement) ». L’étude nous apprend une faible part de la fiscalité locale dans les recettes budgétaires. « La fiscalité locale constituée des impôts et taxes ne représente que 10% et 11% des recettes budgétaires des communes du Mali. Cela pose un véritable défi pour l’avenir de la décentralisation au Mali qui peine à faire payer des contributions des citoyens pour booster le développement local…. Les recettes des domaines et du patrimoine constituent seulement 7.1% et 4.9% des recettes totales des communes», peut-on lire dans le rapport. L’étude insiste sur le fait que les communes du Mali ont encore un important potentiel fiscal. Sur ce registre, les communes de Sikasso, Koulikoro et Ségou ont une plus grande marge de manœuvre tandis que celles de Kidal ne peuvent pas espérer mobiliser beaucoup, compte tenu de la taille de leur population.
Selon le document de l’ODHD, « entre 2016 et 2020, les ressources des comptes consolidés de 595 communes sont passées respectivement de 205 milliards de FCFA de prévision à 308 milliards de FCFA de prévision et de 111 milliards de FCFA à 167 milliards de FCFA de réalisation ; soit un accroissement annuel moyen de 11% sur la période ».
Budgets presqu’exclusivement de fonctionnement
L’étude rappelle que le poste le plus important des différentes rubriques budgétaires est constitué des charges de personnel qui représentent plus de 50% des charges prévues et 74% des dépenses réalisées en 2020. « Près d’un quart des dépenses prévues sont destinées aux bâtiments, installations et agencements des communes pour seulement 10.8% des réalisations. Les achats de denrées et de fournitures constituent le troisième poste de dépenses en termes de prévisions et de réalisations, très loin derrière les postes de charges du personnel et de dépenses liées aux installations ».
Les communes du Mali ont des insuffisances en matière de liquidité. « De façon générale, les communes du Mali présentent un ratio d’épargne brute inférieur à 8% et même négatif dans certaines communes. Les communes de la région de Kidal sont les plus liquides avec un taux moyen de 53,6%. »
L’étude analyse que les communes, les collectivités « cercles » et « régions » du Mali présentent des budgets presqu’exclusivement de fonctionnement.
Selon les rédacteurs de ce rapport, le futur des collectivités dépend, en grande partie, des transferts de compétences mais aussi de ressources financières de l’Etat vers elles. Les transferts de ressources de l’Etat aux collectivités territoriales, nous explique l’étude, proviennent essentiellement de trois ministères sectoriels qui sont : l’éducation, la santé et l’administration territoriale. Si les effectifs du secteur de l’éducation des collectivités territoriales ont triplé en seulement cinq ans passant de 10 950 à 33 055, ceux de la santé de l’administration connaissent une augmentation assez timide, selon le rapport de l’ODHD. De façon globale, les effectifs de ces trois départements relevant des services décentralisés sont passés de 2 230 agents à 37 797 entre 2006 et 2014. Cette année là, 87% de ces effectifs étaient au compte du ministère en charge de l’éducation contre 4% pour la santé et 9% pour le département de l’administration territoriale. Toujours selon l’étude, « de 2015 à 2019, en moyenne par an 260 milliards sont transférés en termes de subventions aux collectivités territoriales par l’administration centrale ».
Des propositions concrètes faites à l’endroit de l’Etat aux recommandations pour une décentralisation forte
Certains élus et techniciens des organes des collectivités se sont prononcés dans cette étude. Ainsi, le Président du Conseil de cercle de Bougouni estime que « l’Etat n’aide pas les collectivités à mobiliser les ressources locales par la délivrance d’exonérations fiscales aux sociétés minières et autres sur le territoire ». Il cite l’exemple de l’huilerie indienne installée à l’entrée de la ville de Bougouni. Cette société, a-t-il expliqué, est exonérée pour 25 ans alors qu’elle « fonctionne sur la base du bois de nos forêts ». Le secrétaire général du Conseil de cercle de Koulikoro appelle l’Etat à renoncer à sa part et laisser les collectivités percevoir les impôts et taxes. Le Chef du Service financier de la commune III du district de Bamako suggère à l’Etat de transférer aux collectivités une partie de l’impôt sur le bénéfice des entreprises et sociétés installées sur le territoire des communes. Selon lui, l’Etat peut transférer aussi une partie de la TVA perçue sur le territoire. « Toutes ces mesures permettront d’améliorer le niveau des ressources des différentes collectivités qui sont appelées à jouer un rôle de premier plan pour le développement des territoires ».
Pour une décentralisation au service du développement local, le rapport formule plusieurs recommandations. Il s’agit entre autres de renforcer les capacités d’administration fiscale des collectivités ; de recenser le potentiel fiscal ; de définir conjointement les assiettes de certains impôts locaux ; de faire des efforts de simplification au niveau de la chaîne de décision du système fiscal ; de donner plus d’importance aux investissements locaux (filières porteuses et chaîne de valeur structurantes) pour favoriser le développement local à travers une offre accrue des biens publics et un renforcement de la cohérence entre les politiques publiques et les besoins locaux ; et promouvoir le partenariat public-privé dans la réalisation des infrastructures sociales de base et dans les infrastructures productives.
Chiaka Doumbia
Le challenger