Macky Sall à l’ONU : « L’Afrique a assez subi le fardeau de l’histoire, elle ne veut pas être le foyer d’une nouvelle guerre froide »
Monsieur le Président de l’Assemblée Générale,
Chers collègues,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames, Messieurs,
Distingués délégués,
Monsieur le Président, au nom de l’Union Africaine, je remercie votre prédécesseur et vous adresse tous nos vœux de succès à la Présidence de notre session.
Je renouvelle au Secrétaire Général notre soutien dans l’exercice de sa délicate mission au service des Etats membres.
Depuis notre dernière session, le monde est devenu plus dangereux et plus incertain, sous l’emprise combinée du réchauffement climatique, des périls sécuritaires et sanitaires, ainsi que de la guerre en Ukraine.
Le thème de cette session montre à quel point il urge d’agir ensemble pour apaiser les tensions, soigner notre planète, réduire les inégalités persistantes Nord-Sud, et redonner sens au multilatéralisme.
Le Conseil de sécurité est interpellé au premier chef, afin qu’il traite de la même manière toutes les menaces à la paix et à la sécurité internationales, y compris en Afrique.
Le terrorisme qui gagne du terrain sur le continent n’est pas qu’une affaire africaine.
C’est une menace globale qui relève de la responsabilité première du Conseil, garant du mécanisme de sécurité collective, en vertu de la Charte de l’Organisation.
Aussi, invitons-nous le Conseil à mieux s’engager avec nous dans la lutte contre le terrorisme en Afrique, avec des mandats plus adaptés et des moyens plus conséquents.
En outre, l’Union Africaine appelle, une fois de plus, à la levée des sanctions étrangères contre le Zimbabwe. Ces mesures sévères continuent de nourrir un sentiment d’injustice contre tout un peuple, et d’aggraver ses souffrances en ces temps de crise profonde.
Au Proche Orient, nous réitérons le droit du peuple palestinien à un Etat viable, coexistant pacifiquement avec l’Etat d’Israël, chacun à l’intérieur de frontières sûres et internationalement reconnues.
Nous appelons à la désescalade et à la cessation des hostilités en Ukraine, pour une solution négociée, afin d’éviter le risque catastrophique d’un conflit potentiellement mondial.
Monsieur le Président,
Près de quatre-vingts ans après la naissance du système des Nations Unies et des Institutions de Bretton Woods, il est temps d’instaurer une gouvernance mondiale plus juste, plus inclusive et plus adaptée aux réalités de notre temps.
Il est temps de vaincre les réticences et déconstruire les narratifs qui persistent à confiner l’Afrique à la marge des cercles décisionnels.
Il est temps de faire droit à la juste et légitime revendication africaine sur la réforme du Conseil de Sécurité, telle que reflétée dans le Consensus d’Ezulwini.
Dans le même esprit, je rappelle notre demande d’octroi d’un siège à l’Union Africaine au sein du G20, pour que l’Afrique puisse, enfin, se faire représenter là où se prennent les décisions qui engagent un milliard quatre cents millions d’africains.
Je remercie chaleureusement les partenaires qui nous ont déjà exprimé leur soutien et invite les autres à considérer favorablement notre candidature.
Au titre de la gouvernance économique et financière, j’attire l’attention de l’Assemblée générale sur le Rapport 2022 sur le financement du développement durable, réalisé par une soixantaine d’institutions multilatérales, dont le FMI, la Banque mondiale, le Comité de Bâle sur la supervision bancaire, l’Association internationale des régulateurs de l’assurance et le Conseil de stabilité financière.
Ce rapport relève les insuffisances dans les procédés d’évaluation des Agences de notation, et souligne l’importance d’appliquer des « méthodologies transparentes afin de ne pas miner la confiance dans les notations ».
Nous sommes préoccupés par le fait que la perception du risque en Afrique continue d’être plus élevée que le risque réel ; ce qui renchérit les primes d’assurance et pénalise la compétitivité de nos économies.
C’est pourquoi l’Afrique renouvelle sa proposition au Groupe de Réponse à la crise mondiale sur l’alimentation, l’énergie et les finances, afin qu’il engage, en rapport avec le G20, le FMI et la Banque Mondiale, un dialogue constructif avec les agences de notation sur l’amélioration de leurs méthodes de travail et d’évaluation.
Dans le même esprit, face à l’ampleur inédite de la crise économique mondiale, l’Union Africaine réitère son appel pour la réallocation partielle des Droits de Tirages spéciaux et la mise en œuvre de l’Initiative du G20 de suspension du service de la dette.
Ce choc sans précédent fragilise davantage les économies les plus faibles, et rend encore plus pressants leurs besoins en liquidités, pour atténuer les effets de l’inflation généralisée et soutenir les ménages et les couches sociales les plus vulnérables, notamment les jeunes et les femmes.
S’y ajoute la prise en charge des urgences sanitaires nouvelles ou anciennes, dont le cancer, un tueur silencieux qui continue de faire des millions de victimes à travers le monde.
J’appelle à la mobilisation en faveur de la campagne Rays of hope, de l’AIEA, pour le renforcement des capacités des pays membres, africains en particulier, dans la lutte contre le cancer, grâce aux technologies nucléaires telles que l’imagerie médicale, la médecine nucléaire et la radiothérapie.
Monsieur le Président,
A quelques semaines de la COP-27 de Sharm El Sheikh, l’Afrique renouvelle son attachement à l’Accord de Paris sur le climat.
En même temps, nous souhaitons parvenir à un consensus pour une transition énergétique juste et équitable, comme ce fut le cas au Sommet Afrique-Europe de février dernier, à la session élargie du Sommet du G7 en juin, et récemment au Forum de Rotterdam sur le financement de l’adaptation en Afrique.
Il est légitime, juste et équitable que l’Afrique, continent le moins pollueur, et le plus en retard sur le processus d’industrialisation, exploite ses ressources disponibles pour disposer d’une énergie de base, améliorer la compétitivité de son économie et réaliser l’accès universel à l’électricité.
Je rappelle qu’à ce jour plus de 600 millions d’africains vivent encore sans électricité.
Travaillons également à la réalisation de l’objectif de 100 milliards de dollars par an, en appui aux efforts d’adaptation des pays en développement, et au financement du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique, sous l’égide de la BAD et du Centre mondial pour l’adaptation.
Au demeurant, nous considérons le financement de l’adaptation non comme de l’aide, mais comme une contribution des pays industrialisés à un partenariat mondial solidaire, en contre partie des efforts que fournissent les pays en développement pour éviter les schémas pollueurs qui ont plongé la planète dans l’état d’urgence climatique actuel.
Monsieur le Président,
Au-delà des urgences conjoncturelles, je suis venu porter le message d’un continent déterminé à travailler avec tous ses partenaires, dans une éthique relationnelle de dialogue confiant et de respect réciproque.
Je suis venu dire que l’Afrique a assez subi le fardeau de l’histoire ; qu’elle ne veut pas être le foyer d’une nouvelle guerre froide, mais plutôt un pôle de stabilité et d’opportunités ouvert à tous ses partenaires, sur une base mutuellement bénéfique.
Je suis venu dire que nous n’ignorons pas l’Afrique des problèmes, qu’il faut pacifier et stabiliser.
Mais je suis également venu dire que nous avons aussi l’Afrique des solutions, avec ses 30 millions de km2, ses ressources humaines, plus de 60% des terres arables du monde, ses richesses minières, forestières, hydriques et énergétiques.
Oui, nous avons l’Afrique des solutions, avec des gouvernements à la tâche ; une jeunesse vibrante et créative qui innove, entreprend et réussit ; des millions d’hommes et de femmes qui travaillent dur pour nourrir, éduquer et soigner leurs familles ; qui investissent, créent de la richesse et génèrent des emplois.
Cette Afrique des solutions souhaite engager avec tous ses partenaires des rapports réinventés, qui transcendent le préjugé selon lequel qui n’est pas avec moi, est contre moi.
Nous voulons un multilatéralisme ouvert et respectueux de nos différences ; parce que le système des Nations Unies, né sur les cendres de la guerre, ne peut emporter l’adhésion de tous que sur la base d’idéaux partagés, et non de valeurs locales érigées en normes universelles.
C’est en collaborant dans le respect de nos différences que nous redonnerons force et vitalité à la raison d’être des Nations Unies : c’est-à-dire préserver les générations actuelles et futures du fléau de la guerre, promouvoir la cohabitation pacifique des peuples et favoriser le progrès en instaurant de meilleures conditions de vie pour tous.
Je souhaite plein succès aux travaux de la 77e session de l’Assemblée générale. Je vous remercie.