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Médecin-Colonel Aïssata Koné, directrice du PNLP : Au cœur du combat contre le paludisme

Ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, est l’occasion de rendre hommage à des femmes battantes, dont certaines sont, jour et nuit, au four et au moulin, pour contribuer au développement de la nation. Parmi elles, il y a une femme exceptionnelle, dotée d’un parcours professionnel hors-pair, qui se bat pour éradiquer le paludisme, une maladie responsable de nombreuses morts, notamment parmi les femmes et les enfants. Il s’agit de la Médecin-Colonel Aïssata Koné, Directrice du Programme National de Lutte contre le Paludisme. Dans un entretien qu’elle a bien voulu nous accorder à l’occasion du 8 mars, elle nous parle de son parcours et de son engagement contre le paludisme.   

Bonjour Médecin-Colonel Aïssata Koné, pouvez-vous partager avec nous votre parcours (études et cursus professionnel) ?

Bonjour et merci pour cette opportunité de partager mon expérience ! J’ai fait mes études de médecine à la Faculté de Médecine et d’Odontostomatologie de  Bamako, avant de me spécialiser en santé publique au Bénin à l’IRSP de l’OUIDAH en 2006 et en Nutrition en 2014 à l’USTTB de Bamako et Doctorant PHD en 2020. J’ai également suivi plusieurs formations en épidémiologie, en gestion des programmes de santé, la gestion des catastrophes et la communication de crise.

Sur le plan professionnel, j’ai commencé en tant que médecin de terrain avant d’intégrer les sapeurs-pompiers, où j’ai gravi les échelons jusqu’à occuper des fonctions de responsabilité comme :

– Chef de bureau personnel et des affaires sociales à la Direction Générale de la Protection Civile de Bamako;

– Médecin-Chef de la première compagnie de la Protection Civile de Bamako

– Sous Directrice des Opérations de Secours et d’Assistance (SDOSA) à la Direction Générale de la Protection Civile.

– Directeur de Service National d’Instruction et d’Intervention (SNII) à la Direction Générale de la Protection Civile.

Je suis devenue la première femme lieutenant-colonel de cette corporation, j’ai été nommée Directrice du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) en décembre 2021 par les plus hautes autorités. Aujourd’hui, j’occupe ce poste et assure la coordination de la stratégie nationale de lutte contre le paludisme.

Elles sont mères, femmes enceintes, jeunes filles… Le rôle des femmes dans la lutte contre le paludisme est important voire crucial. Comment les intégrez- vous dans vos stratégies et activités de prévention et de traitement du paludisme au Mali ?

Le paludisme est un problème de santé publique au Mali auquel les enfants de moins de 5 ans et les femmes enceintes payent un lourd tribut. C’est la 1ère cause de morbidité et de mortalité au Mali avec respectivement 38% et 27% en 2024.

Les femmes sont au cœur de la lutte contre le paludisme, non seulement en tant que populations vulnérables, mais aussi en tant qu’actrices de la prévention (hygiène et salubrité de l’habitat) et de prise en charge du paludisme (conservation et observance des prises des médicaments pour elles-mêmes et pour les enfants). Nos stratégies intègrent plusieurs approches pour les impliquer activement. Par exemple, nous renforçons l’accès aux moustiquaires imprégnées d’insecticide pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans et l’accès au Traitement Préventif Intermittent (TPI) pour les femmes enceintes lors des consultations prénatales. Pour maximiser l’accès à ces outils de prévention, des campagnes de sensibilisation ciblées sont organisées au niveau des structures de prestations et dans la communauté à travers les plateformes communautaires.

Nous travaillons aussi avec des associations féminines et des relais communautaires, qui sont souvent des femmes, pour assurer la diffusion des messages de prévention et la promotion des bonnes pratiques en matière de lutte contre le paludisme.

Le respect et l’application des mesures de lutte contre le paludisme nécessite l’engagement sans faille des femmes.

Parlons des efforts en cours. Que diriez-vous des campagnes récentes et de leur impact sur la population ?

Avec l’appui des partenaires, le Programme national de lutte contre le paludisme organise tous les 3 ans une campagne de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide MII en couverture universelle. La dernière campagne a été organisée en 2023 dans toutes les régions, excepté le  District de Bamako. Elle a permis de distribuer plus de 12 millions de MII à la population à raison d’une moustiquaire pour deux personnes. Cette intervention a contribué à la réduction des cas de près de 10%, entre 2023 et 2024.

Le PNLP organise, chaque année, une campagne de chimio-prévention du paludisme saisonnier (CPS) chez les enfants de 3 à 59 mois, avec plus de 3 millions d’enfants traités par an. Les études d’évaluation de ces campagnes ont montré qu’elles permettent de réduire d’environ 70% les cas de paludisme simple et grave chez les enfants de moins de 5 ans. Lors de la dernière campagne de 2024, plus de 4 millions d’enfants ont reçu le traitement de prévention du paludisme (CPS) pendant 3 ou 4 passages leur conférant une bonne protection contre le paludisme pendant la période de haute transmission (juillet à octobre).

Quels sont les principaux défis auxquels le PNLP est confronté dans la lutte contre le paludisme, en ce qui concerne les femmes en particulier ?

Malgré les progrès réalisés, plusieurs défis persistent. Le premier est l’accès aux soins, surtout en milieu rural où les femmes enceintes rencontrent parfois des difficultés à se rendre dans les centres de santé. Ensuite, il y a la question des us et coutumes qui entravent l’utilisation des services de santé par certaines femmes. A cela s’ajoute l’insuffisance d’hygiène de l’habitat et de salubrité environnementale.

Un autre défi est la résistance aux antipaludiques et aux insecticides, ce qui nous oblige à adapter en permanence nos stratégies.

Enfin, les insuffisances des ressources financières et la forte dépendance du financement extérieur restent un obstacle important à la lutte contre le paludisme pour maintenir et renforcer les interventions.

Quel message souhaiteriez-vous adresser à la Femme malienne à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes ?

En cette Journée Internationale des Femmes, je veux rendre hommage à toutes les femmes du Mali qui, chaque jour, protègent leur famille et leur communauté contre le paludisme. Leur rôle est inestimable. Elles sont les piliers de la prévention et de la lutte contre cette maladie.

Je les encourage à continuer à utiliser les moustiquaires imprégnées d’insecticides, à suivre les traitements préventifs, et à sensibiliser leur entourage. Ensemble, nous pouvons faire reculer le paludisme et améliorer la santé de nos familles !

Avec leur engagement nous irons encore plus loin, surtout avec l’introduction du vaccin contre le paludisme au Mali en 2025.

Bonne fête à toutes !

Propos recueillis par Drissa Togola

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