Réinventer le Mali : Sortir enfin de la crise par une refondation structurelle
L’enjeu aujourd’hui au Mali, comme l’a écrit Jomo Kenyatta dans son célèbre ouvrage « Au pied du Mont Kenya », n’est pas seulement d’interpréter le monde, mais d’agir sur ses contradictions afin de le transformer à partir d’une analyse exacte.
Cette vision est la colonne vertébrale de toute ma dynamique professionnelle et de mon engagement citoyen : agir sur nos contradictions pour contribuer à l’émergence d’un Mali harmonieux, moderne qui sécurise et améliore la vie de chaque malienne et malien, et participe à l’évolution de la paix dans le monde.
Un débat serein est quasiment devenu impossible dans notre pays. On nous demande systématiquement de prendre parti. On doit être pour… ou contre…. Cette « binairisation » de la prise de parole et de la réflexion empêche la recherche d’une réponse objective, concrète et durable à notre crise multidimensionnelle.
Et pourtant, il est indispensable et urgent que nous apprenions à nous reparler. C’est un exercice qui ne va pas être simple dans le Mali d’aujourd’hui tant, chaque jour qui passe, les positions se radicalisent.
Mais si nous voulons éviter l’implosion de notre pays, c’est maintenant… ou nous allons laisser de la ruine comme héritage à nos enfants.
Pour moi, personne n’a totalement tort, personne n’a totalement raison. Chacun de nous est le fruit du dysfonctionnement structurel de notre pays. Nous avons plus ou moins, de bonne foi ou de mauvaise foi, contribuer à la situation actuelle. Nous avons hérité de cette dynamique négative, mais nous n’avons pas pris le temps de l’interpréter et de travailler à produire des réponses pour l’endiguer structurellement. Parce que le problème est structurel.
Voilà résumées mon analyse de la situation et ma contribution pour en sortir structurellement par le haut. Je ne suis ni pour…, ni contre… Je crois en la concorde pour améliorer nos vies, pour faire du Mali un pays homogène.
Depuis plus de six décennies, notre pays peine à sortir d’un cycle de crises répétées. Les diagnostics s’accumulent, les projets s’annoncent, les slogans se succèdent… mais l’essentiel n’a jamais été réellement réparé : l’État malien lui-même.
Cette institution, censée incarner l’intérêt général, est progressivement devenue un appareil privatisé au profit des « princes du jour ».
De 1960 à aujourd’hui, chaque changement politique a surtout déplacé les centres d’intérêt particuliers, sans jamais reconstruire un véritable contrat social. Résultat : pour survivre, chacun s’organise pour tirer un avantage du peu de pouvoir qu’il détient.
Les militaires et groupes armés s’appuient sur les armes, les policiers sur la circulation, les juges sur le droit, les fonctionnaires sur les deniers publics, les syndicalistes sur la grève, les commerçants sur la spéculation, les enseignants sur la vente de notes, les religieux sur le désarroi des fidèles…
Et le citoyen, lui ?
Il observe, s’adapte, devine le plus fort, répète son récit, change de camp au gré des nouveaux princes. Dans cet écosystème, chacun rêve de devenir « prince d’un jour » et complote pour accélérer son tour.
Depuis 2014, j’appelle à un changement radical : réinventer le Mali, non par des ajustements marginaux, mais par une véritable « remastérisation ».
Cela suppose une amnistie générale couvrant toute la période 1960-2024, afin de libérer le pays d’un passé qui paralyse les initiatives.
En parallèle, la création d’un musée numérique de la honte permettrait d’y inscrire tous ceux qui, dans le nouveau Mali, violeraient les règles de gouvernance, de transparence et d’éthique.
Cette refondation doit s’inspirer de notre histoire profonde. Nos sociétés traditionnelles ont longtemps fonctionné en communautés de métiers, où chaque groupe jouait un rôle précis: les Peulhs éleveurs, les Soninké commerçants, les Somono pêcheurs, les Touaregs guerriers, les Bamanan cultivateurs, les Mandé-Mori hommes de lettres, les Djeli maîtres du verbe…
Je propose que chaque région du Mali reçoive une mission économique claire, inscrite dans la Constitution :
- Kidal et Taoudénit : devenir un hub mondial de l’énergie solaire, grâce à leur potentiel exceptionnel.
- Tombouctou : se transformer en grande destination touristique, avec la création sur la rive droite d’une ville à ambiance « Las Vegas du Sahel », dédiée aux mariages et renouvellements de vœux.
- Ségou et Sikasso : devenir des pôles d’agrobusiness moderne.
- Kayes: se spécialiser dans l’industrie minière
- Mopti : redevenir un centre d’industrie de pêche, d’élevage et de transformation.
- Sévaré : accueillir la nouvelle capitale administrative et politique du Mali.
- Gao et Koulikoro : se spécialiser dans l’industrie militaire et sécuritaire.
- Bamako : se concentrer sur le numérique, la culture, la finance et les services avancés.
- etc…
Sur ces bases fonctionnelles, nous pourrions engager une reconstruction méthodique des 12 000 villages du pays avec énergies renouvelables, connectivité numérique, services publics modernisés et dématérialisés.
Une telle architecture mettrait fin à la concentration aberrante de 75 % des ressources publiques à Bamako et créerait un État véritablement régulateur, fédérateur et équitable, enfin débarrassé du « baba commandement ».
Un Mali réinventé doit se donner les moyens- économiques, technologiques, judiciaires et militaires – de protéger ce modèle. L’objectif n’est pas de lutter contre des individus ou des ethnies, mais de défendre un projet national unificateur, fondé sur la responsabilité, l’innovation et la justice.
Que Dieu nous accorde la force de venir à bout de la guerre.
Que le Mali apprenne enfin à débattre de projets, et non de positionnements destinés à capter la rente publique.
Que de la paix pour les âmes des milliers de victimes de notre tragédie.
Alioune Ifra NDiaye
En savoir plus sur Mali 24
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
