Situation financière du Mali : L’ancien Premier Ministre Moussa Mara s’exprime
Notre pays vient de bénéficier d’Aides d’urgence pour un peu plus de 72 milliards de FCFA du FMI et pour près de 36 milliards de la Banque mondiale, destinées à faire face aux besoins humanitaires et énergétiques des populations du pays.
Je me réjouis de cette intervention étrangère qui soulagera les peines d’une partie de nos compatriotes. Je salue l’action des autorités de la transition pour avoir solliciter ces soutiens et continuer à poursuivre nos relations avec les institutions financières internationales.
Toutefois, les inquiétudes structurelles demeurent et il faut le noter :
– Le défi de la fourniture de l’électricité qui ralentit l’économie du pays au point de lui faire perdre au moins 0,5% du PIB soit un minimum de 60 milliards de FCFA en 2024 ;
– Le défi de nos dépenses de fonctionnement qui dépassent déjà nos recettes fiscales : par exemple la somme des dépenses de salaire, de défense et de sécurité et les remboursements de dettes consomment presqu’entièrement nos ressources propres, dans ces conditions on ne peut financer de manière appropriée ni l’éducation, ni la santé et encore moins les infrastructures qui sont indispensables au développement du pays ;
– Les déficits publics dépassent les normes de gestion de l’UEMOA d’au moins 120 milliards, nous devons les réduire alors qu’ils s’accroissent ;
– La résultante de cette situation financière difficile est le recours à l’endettement dans des conditions difficiles, ce qui accroit les charges, les déficits et les difficultés et nous rapproche chaque jour de la faillite.
L’absence de perspectives politiques constitue un facteur bloquant pour toute relance économique au Mali. Dans le contexte actuel, il sera difficile que les acteurs économiques Maliens investissent dans leur pays, ne sachant pas de quoi demain sera fait. A fortiori les investisseurs extérieurs !
Il est impératif que face à ces périls, nos autorités engagent sans delais des mesures appropriées.
1. Faire preuve de la plus grande transparence sur la situation économique et financière de l’Etat et du pays, seule condition permettant de convaincre nos compatriotes à participer aux efforts pour sortir des difficultés ;
2. Obtenir un approvisionnement régulier en électricité en recourant à la seule solution disponible et durable, l’achat d’énergie en provenance de la Côte d’Ivoire et inscrire le pays dans la trajectoire d’accès aux énergies renouvelables rentables en préservant l’environnement et en renforçant la coopération avec tous nos voisins dans le cadre du marché ouest africain de l’énergie en cours de construction ;
3. Engager un plan crédible de réduction du train de vie de l’Etat et de rationalisation des dépenses comportant la révision à la baisse des avantages de toutes les autorités politiques et de tous les responsables publics ;
4. Créer les conditions d’un retour consensuel à l’ordre constitutionnel après des concertations sérieuses et inclusives avec les acteurs politiques ;
5. Renforcer les relations avec la communauté financière internationale mais également les partenaires bilatéraux disponibles pour obtenir des concours financiers substantiels et à des conditions concessionnelles permettant au pays de :
a. Faire face aux arriérés vis-à-vis des acteurs économiques intérieurs (fournisseurs de l’Etat, écoles privées…) et aux difficultés de paiement de certains acteurs comme les cotonculteurs,
b. Restructurer son endettement et accroitre ses marges de manœuvre financières,
c. Engager des mesures d’accroissement des ressources propres seules à même de soutenir durablement ses politiques de développement.
Je compte sur le sens patriotique de ceux qui nous dirigent pour faire les efforts necessaires afin que les succès sécuritaires et en matière de défense ne soient pas compromis par les difficultés financières qui s’annoncent.
Bamako le 3 mai 2024
Moussa MARA.