UNE TRIBUNE DE El hadj Tiégoum Boubèye Maïga : La tolérance n’est pas une faiblesse
«Kogo sourouni bè tè bogo dèssè yé». Terre à terre, cette sagesse bamanankan signifie tout simplement que ‘’ce n’est pas toujours par manque de briques qu’on rencontre des murs de petites tailles’’.
L’autre jour j’écoutais l’ancien Premier ministre français, Dominique De Villepin, qui donnait une conférence à La Sorbonne où il était invité. L’homme est connu pour sa vaste culture et pour la particulière grandiloquence qu’il met à soutenir ses convictions. Dans le flot de son captivant et brillant exposé, j’ai pu retenir trois citations. Chacune d’elle colle parfaitement à la situation de notre pays.
« Jadis, il y avait de la hauteur »
La première est de Paul CELAN (j’avoue personnellement qu’avant ce jour, je ne le connaissais pas, il est un brillant poète romain d’origine juive dont l’un des poèmes les plus connus, Liberté, a été parachuté dans les zones sous occupation allemande durant la seconde guerre mondiale). « Jadis, il y avait de la hauteur » selon Paul CELAN. Par-delà la hauteur tragique du pendu à l’heure de l’exécution (je crois que l’expression pendre haut et court vient de là), De Villepin estime qu’il y a de la hauteur historique, de la hauteur morale, de la hauteur républicaine. Cette hauteur qui nous permet de ne pas céder à l’abaissement, à l’indifférence, à la fatalité. Pour De Villepin, « c’est cette hauteur qui fait notre dignité d’homme, à défendre les principes qui nous dépassent et qui nous obligent, la justice quand triomphe l’injustice, la vérité quand règne le mensonge, l’action quand domine l’inaction ». Ce Paul CELAN parle de nous. Ce Paul CELAN parle pour nous.
Quand on voit l’état de délabrement moral, de délitement de nos valeurs et de déliquescence spirituelle, nous avons en effet besoin de prendre de la hauteur. Nous, jadis, si enviés, si cités en exemple, nous sommes devenus la risée du monde. On se moque de nous, nous sommes l’objet de quolibets à tout bout de champ, certains se bouchent presque les narines en nous apercevant. Il nous est arrivé quoi ces dernières années, pendant ces cinq dernières années (je ne ferai pas le plaisir à ceux qui pensent que le Mali a commencé sa descente aux enfers avec la démocratie) ?
Il nous est arrivé que nous nous prenons pour le nombril du monde. Il nous est arrivé de penser même que le monde entier respire par nos narines. Il nous est arrivé de penser que c’est être souverain que de se battre contre le monde entier ou de se mettre le monde entier sur le dos, alors qu’en fait nous sommes isolés. Il nous est arrivé que parler de dignité est un gros mot pour certains et un cassus belli pour d’autres.
Il nous est arrivé que nous assistons, incrédules et passifs, au règne du mensonge. Certains en ont fait un métier, une profession. Ils mentent matin midi et soir, c’est la posologie normale et, après, ils rentrent tranquillement se coucher à côté de leurs femmes et de leur progéniture. Ils se disent qu’en mentant, ils font plaisir aux autorités, ils devancent leurs désirs, ne sachant pas qu’ils les exposent et qu’on pourrait même penser que ce sont elles les commanditaires de toutes les énormités qu’on entend à longueur de journée.
En savoir plus sur Mali 24
Subscribe to get the latest posts sent to your email.