Vie chère, plus dangereuse que la bombe atomique !!!
Oh qu’elles sont loin, les années où jeune lycéen que j’étais, le « physique-chimie », accompagné de l’article « 100 » faisaient le bonheur des noctambules à Dougouba. Eh oui je me remémore ces années où à l’époque le cinéma ABC au Badialan tenait lieu de rencontre pour des nuits torrides. Une séance à 200 FCFA et voilà que l’on sortait vers 22 h 00 pour regagner nos domiciles. Le film n’a pas été intéressant ? Shaoling n’était pas très inspiré dans ses attaques ? Il n’y avait pas eu trop de sang coulé ? Ou le Western n’était pas trop violent ? Tant pis, nous avions de quoi nous faire remonter le moral avant d’aller au lit.
Un p’tit sot chez la vendeuse Sarata et le tour était joué. Cinquante (50 FCFA) de haricot, mélangé au spaghetti, voilà le bourratif que l’on surnommait « le physique-chimie ». Une fois repu, c’était le tour chez Maïga le boutiquier pour terminer la soirée avec l’article « 100 », c’est-à-dire 25 FCFA de pain accompagné de 75 FCFA de sachet de Mali-Lait. Tout jeune qui n’a pas vécu ça, c’est que tu as raté les bons moments de Dougouba (sic).
Bon un peu de sérieux, mais pourquoi je vous raconte ce charabia même ? C’est là où mon récit devient moins amusant. Aujourd’hui, Dougouba n’a rien à voir avec ces années 90-2000 où tout était accessible à moindre coût. Tu voulais manger à ta faim ? « Physique-Chimie » était à 100 FCFA seulement (50 FCFA de haricot et autant de macaroni), à défaut le riz au gras ou à la sauce arachide de Batoma du p’tit coin de la rue ne coutait que 200 FCFA, avec un morceau de viande en plus. Tu voulais te défouler un peu au cinéma ou en boîte ? Pas de souci, un p’tit tour chez tonton et tu avais de quoi t’acheter un billet juste en lavant sa voiture.
Dougouba était tout simplement doux ! Eh oui la vie était…..moins chère. Contrairement à cette époque, le sac de riz de 50 Kg à peine à 15.000, voire 13.500 FCFA est cédé aujourd’hui à 22.500, voire 30.000 FCFA, tandis que le kilo de viande avec os de 1.200 FCFA, il faudrait débourser 3.500 voire 4.000 FCFA pour la même quantité. Le carburant bat tous les records. 300 FCFA, le litre de l’essence coûte aujourd’hui près de 900 FCFA (891 FCFA pour être précis). La boîte d’allumette jadis vendue à 20 FCFA coûte aujourd’hui entre 40 et 50 FCFA. Certes, l’article 320 (300 FCFA /l d’essence et 20 FCFA/boite d’allumette pour brûler à vif un voleur pris la main dans le sac) n’est plus en cours à Dougouba, mais même si c’était le cas de nos jours, je me demande encore si l’on ne réfléchirait pas par deux fois avant de gaspiller tout cet argent. Rien que pour punir le voleur !
D’après ma vieille grand-mère, la pauvreté, disons la cherté de la vie, est le compagnon le plus effronté et malpoli qui joue sur les nerfs. Grand-mère n’a pas tort, car aujourd’hui, pour un oui ou pour un non, les esprits s’échauffent et bonjour la bagarre. La décadence socio-économique est d’autant plus marquée que l’on ne sait plus à quel saint se vouer. Comment en sommes-nous arrivés là à Dougouba ? Le Révolté d’un jour est loin d’être un économiste. Au demeurant, les spécialistes pourront me démentir si je dis que les facteurs sont multiples pour tenter d’apporter un élément de réponse à la cherté de la vie que nous vivons actuellement.
D’abord les facteurs endogènes pourraient s’expliquer par le Coup d’État de 2020 qui a engendré les sanctions économiques et commerciales imposées par la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Dougouba s’est vu couper tous les vivres : fermeture des frontières, suspension des échanges terrestres, maritimes et aériens, fermeture des comptes publics de Dougouba par les institutions financières (BCEAO), suspension des aides financières avec les partenaires techniques et financiers (Banque Mondiale, Banque Africaine de Développement, Union Européenne). L’impact de cet isolement de Dougouba s’est fait sentir drastiquement sur le quotidien de nos populations. Comme si cela ne suffisait pas, la crise mondiale déclenchée par la guerre entre la Russie et l’Ukraine, avec son corolaire de pénurie de matière première notamment le pétrole et le gaz a contribué à l’inflation faisait exploser les prix des produits de consommation.
Certes, Dougouba n’est pour rien de ce facteur exogène, mais les autorités de la transition n’ont aucunement le droit de se cacher derrière cet état de fait pour laisser libre cours aux commerçants véreux et sans scrupules asphyxier nos paisibles populations. Du bâton et de la carotte, voilà l’ingrédient qui pourrait faire l’affaire pour freiner cette frénésie boulimique. Je me réjouis de l’initiative de la récente rencontre du Département de l’Industrie et du Commerce avec les opérateurs économiques, une rencontre durant laquelle, le ministre a exprimé son amertume face à certaines pratiques, malgré les efforts fiscaux et douaniers fait par le gouvernement pour minimiser l’impact de la crise sur les échanges commerciaux.
Ce cri de cœur sera-t-il entendu ? Il le faudra par tous les moyens pour désamorcer au plus vite ce qu’il convient d’appeler une bombe à retardement plus puissant que celle d’Hiroshima et de Nagasaki. Le ventre affamé n’a point d’oreille. Les régimes d’alors déchus en savent quelque chose !!!
À mercredi prochain, inch’Allah.
Lassine M’Boua DIARRA, Révolté d’un jour