Vie de couple : Les frictions entre les conjoints pourrissent l’atmosphère
Quand la communication est en berne au sein du couple, elle affecte l’harmonie du foyer conjugal. À l’origine de ce phénomène, figurent, entre autres, l’incompréhension, l’intolérance, l’impact des réseaux sociaux et le fait de considérer son partenaire comme quelqu’un qui doit supporter indéfiniment les frustrations.
«Je suis mariée depuis l’âge de 18 ans. J’ai deux garçons et une fille. Il n’y a pas de causeries entre mon mari et moi, ni avec nos enfants et lui. S’il rentre à la maison, il a la mine serrée. Si je tente de partager avec lui mes problèmes, il ne répond jamais. Du coup, je suis devenue muette sur ma vie», explique Adiaratou Koné, une ménagère à Missira en Commune II du District de Bamako.
Ce comportement écoure sa fille Ami en présence de laquelle s’est tenu notre entretien avec sa mère. La jeune dame d’une vingtaine d’années témoigne qu’elle vit cette situation avec son père depuis toute petite. «Même pour la signature de nos documents, il faut le harceler pour y arriver. Sans la présence de maman, notre maison serait invivable surtout pendant le week-end», confie-t-elle. Cette absence de communication touche de nombreux couples.
À l’origine de ces mésententes passagères on peut relever, entre autres, l’incompréhension, les conflits répétitifs, l’intolérance, l’usage abusif des réseaux sociaux qui absorbent complètement le partenaire qui ignore la présence de l’autre. Évidemment, cette situation engendre des frustrations qui sont ressenties par le partenaire affecté qui peut être aussi bien l’époux que la femme.
Sokona Diakité, habitante à Missira, témoigne que son époux n’accorde pas d’importance à une conversation avec elle depuis 2 ans. Alors que leur mariage a duré 10 ans. Elle se souvient de l’humeur joviale de son conjoint et de ses moments de confiance sur ses soucis. «J’ai tenté en vain de chercher la raison de ce changement d’attitude. Cette situation me dérange énormément tout comme mes enfants», se plaint la comptable de profession, avant d’ajouter que son mari ne l’honneur qu’au lit.
Il pense, poursuit-elle, que la femme n’est faite que pour le lit. Sokona Diakité indique que son époux partage ses soucis uniquement avec sa mère. «Je ne dirai pas que ça ne me plaît pas, mais souvent il faut partager certaines choses avec sa moitié», insiste-t-elle. Et d’appeler les hommes à abandonner ce mutisme face à leurs conjointes qui en souffrent foncièrement.
Joint au téléphone, l’époux de Sokona Diakité, précise qu’il ne communique plus avec sa femme parce qu’elle a beaucoup d’amies. «Elle n’est pas sensible à mes conseils et je l’ai incité à faire attention à sa fréquentation. Je ne suis pas fou pour partager avec elles des choses qu’elle va, à son tour, raconter à ses amies», avertit Idrissa Diawara d’un ton glacial.
LE TÉLÉPHONE AU COEUR DE LA DISCORDE- Le phénomène impacte l’éducation des enfants. Louise Kamaté dit en pâtir. Elle a passé plusieurs heures en dehors de la concession familiale. Finalement, elle a décidé de déménager chez sa grand-mère maternelle pour fuir l’ambiance morose du domicile paternel. «C’est rare de voir mes parents communiquer à la maison. Ils ne s’adressent pas à la parole», martèle l’étudiante en droit public. Louise Kamaté affirme que pendant l’enfance, elle enviait ses copines dont les parents communiquaient avec elles.
Cela a également fui une atmosphère familiale glaciale. «Le manque de communication entre mes parents m’a poussé à m’installer chez mes grands parents maternels», confie cette déléguée médicale qui se rend difficilement chez ses parents même pendant ses vacances. «Quand j’ai eu mes premières règles, c’est la mère de ma meilleure amie qui m’a donné des conseils. Ce jour-là, ma mère n’a pas accepté de communiquer avec moi sous prétexte qu’elle était fatiguée», se rappelle celle qui évolue dans le milieu médical et qui se plaint d’avoir manqué de soutien parental lors du traitement de leurs devoirs à domicile.
L’avènement des Smartphones a contribué à creuser le fossé, à engendrer et exacerber les frustrations en termes de communication entre les couples. Adiaratou Sène, une secrétaire de direction, dit détester le iPhone à cause de l’affection que son époux ressent pour le sien, un iPhone 15. «On dirait qu’il a épousé son téléphone, il s’en sépare jamais. Sous la douche, au lit et à table, monsieur ne se débarrasse pas de son téléphone. C’est fatiguant et je suis au bout des nerfs», se plaint-elle. Et de continuer que son homme refuse d’accepter que son comportement nuit à leur relation.
Face à cet entêtement, Adiaratou Sène s’est montrée plus rebelle. En 2023, elle a écrasé contre le sol le téléphone de son conjoint. Sans l’implication de sa belle-famille, son époux ne l’aurait jamais pardonné. Joint au téléphone, ce dernier, un opérateur économique, confirme les propositions de sa femme. «Je traite des affaires professionnelles en toute discrétion avec mon téléphone. Mais, ma femme pense que je cause avec des filles. J’ai d’autres chats à fouetter que d’écrire aux filles», justifie Ousmane Sène.
DÉSAMORCER LES TENSIONS- Quant à Alassane Touré, pompiste de son état, il affirme que sa femme utilise de façon abusive le téléphone. «Je me suis marié en 2022. Avant le mariage, malgré mes maigres moyens, j’ai acheté un iPhone pour mon épouse. Après les noces, elle passe sa journée à surfer sur le réseau social, TikTok.
Depuis deux ans, je donne 2.500 Fcfa, dont 500 pour son forfait internet et la somme restante est destinée aux frais de condiments», explique celui dont la conjointe exige de lui le paiement de 2.000 Fcfa de frais de forfait comme condition pour l’honneur au lit. Alassane Touré en veut à sa belle-mère qui serait au courant du comportement de sa fille. «Si elle ne change pas, je vais divorcer pour prendre une autre qui ne sait ni lire, ni écrire encore moins manipuler un téléphone», sourit-il avec amertume.
L’imam Yaya Cissé de Yirimadio Kadobougou a versé son avis sur cette question. Le guide religieux estime que la communication entre les époux doit être primordiale. De son point de vue, c’est l’époux qui doit veiller à ce que l’atmosphère soit sereine et étendue entre tous les membres du foyer et notamment entre lui et son épouse ou ses conjointes. Le mari doit en toute circonstance désamorcer les tensions qui pourraient surgir entre les épouses, d’une part et d’autre part entre lui et ses conjointes. « Ne pas se parler est un acte condamnable par le Saint Coran et Dieu n’apprécie pas les conjoints qui ne se parlent pas. Le pardon doit être la clé de voûte entre les époux pour maintenir un climat serein dans le foyer», soutient le guide religieux.
LES RÈGLES À INSTAURER- Le psychologue clinicien et thérapeute familial, Idrissa Traoré, affirme d’emblée que les occasions où toute la famille est réunie deviennent de plus en plus rares à cause des horaires décalés des parents, des temps de transports ou des activités extrascolaires des enfants. «Si pendant ces rares moments, chacun est devant son écran, le temps d’échanges et d’attention n’existe tout simplement plus», regrette-t-il. Le souligne que les conséquences peuvent être particulièrement graves chez les tout-petits qui ont besoin du regard, du sourire et de la voix de la mère ou du papa pour intérioriser un sentiment de sécurité et développer des capacités à communiquer. Lorsque ces moments d’échanges sont régulièrement entrecoupés par un coup d’œil au Smartphone, insiste-t-il, le lien mère–enfants époux est fragilisé.
Le sociologue Modibo Touré conseille aux couples de se mettre d’accord sur les règles à instaurer en famille et de donner le bon exemple en matière d’utilisation des Smartphones et autres objets connectés. Il propose notamment d’installer une boîte à l’entrée de la maison dans laquelle chacun dépose son portable dès qu’il franchit le seuil de la porte.
La communication dans le couple est essentielle pour l’équilibre psycho-social de celui-ci. Une communication bloquée cache généralement un point de discorde entre deux personnes, explique le sociologue Modibo Touré. Poursuivant qu’il faut raviver la flamme et le dialogue, autour de la relation sentimentale, qui est centrée sur l’entretien de la flamme du désir, de la sexualité et du soin, l’abandon des conflits et le développement d’une intelligence émotionnelle. Le sociologue souligne l’importance dans une relation amoureuse de ne pas considérer son partenaire comme quelqu’un qui encaisse indéfiniment sans broncher. Vous devez avoir conscience que vous pouvez le perdre à cause de la souffrance psychologique endurée et qui le réagir avec des violences.
Djénéba BAGAYOGO
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