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Institut d’Economie Rurale (IER) : Des travailleurs contractuels sevrés de salaire !

Les travailleurs contractuels de l’Institut d’Economie Rurale (IER) broient du noir. En effet, ils accusent un retard de salaire de près de quatre mois. Une situation préoccupante qui interpelle les autorités de la transition. 

Ils sont gardiens, Berger, main d’œuvre, comptables, éducateurs et bien d’autres, plus d’une trentaine de travailleurs contractuels au Centre Régional de Recherche Agricole (CRRA) à ne pas être payés depuis plus de trois mois. Une situation insoutenable pour des chefs de familles que nous avons rencontrés en début d’octobre 2022 dans la salle SPGRN au CRRA de Sotuba. 

« On ne sait plus où mettre la tête. Nous sommes des citoyens comme les autres. A cause de cette situation, on n’arrive pas à soigner nos enfants voir même à les envoyer à l’école. C’est la rentrée des classes, les enfants des autres vont à l’école, et les nôtres n’ont pu reprendre le chemin de l’école par manque de moyens. Nous interpellons les autorités de la transition qui œuvre pour le Malikura à faire tout pour régulariser notre situation », fulmine un contractuel, le visage serré. Un autre d’ajouter : « Nous sommes exposés à toutes sortes de maladies. Nos enfants ne vont pas à l’école. Trop c’est trop ! ». La tristesse et l’amertume se lisaient sur les visages de ces contractuels de l’IER qui menacent, si rien n’est fait dans les jours à venir, de faire un sit-in devant la direction générale pour réclamer leurs droits. 

Au niveau du comité syndical du SNESUP, la douleur de ces contractuels est partagée. Le secrétaire général du comité du syndicat national de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (SNESUP) du centre régional de recherche agronomique (CRRA), M. Cheick Abdoul Kader Bouaré dénonce une injustice et l’impunité au sein de l’institut. « Rien ne justifie ce retard de salaire. Il y a manifestement une mauvaise volonté des responsables. Comment on peut recruter des gens et ne pas les payer ? », s’interroge-t-il avant d’ajouter que c’est une injustice vis-à-vis de ces contractuels qui travaillent tous les jours. 

Selon le syndicaliste, c’est le non respect des textes par la direction de l’IER qui est à l’origine de ce problème récurent. « L’accord d’établissement de 2017 prévoit que les travailleurs contractuels soient pris en compte par le budget de l’IER. C’est l’IER qui recrute et c’est l’IER qui doit payer conformément aux textes », soutien M. Bouaré.  

Contacté au téléphone par nos soins, M. Cheick Hamala Diakité, Directeur régional par intérim du CRRA de Sotuba, ne nie pas le retard de salaire, mais affirme ignorer les raisons. « Je suis nouvellement venu, je ne maitrise pas trop le dossier. Je sais quand même qu’ils sont en retard de salaires, mais je ne connais pas les raisons qui font ça. Je suis là, il y a juste trois semaines seulement. Je vous conseille d’aller à la direction générale de l’IER pour voir le chef personnel », nous a-t-il confiés. 

L’attitude du premier responsable du CRRA est tout de même incompréhensive et en dit long sur le traitement réservé au dossiers de ces travailleurs contractuels. 

A la direction générale, le chef du personnel refuse d’aborder le sujet avec nous et nous redirige vers le chargé à la communication de l’IER, M. Issa Traoré.

Ce dernier tente d’expliquer les raisons du retard de salaire des contractuels par une réduction drastique des ressources de l’IER consécutive à la crise sécuritaire qui a provoqué l’arrêt de plusieurs projets. « Quand on les recrutait, c’était la vache laitière, mais aujourd’hui, nous avons des problèmes de ressources financières. Tout l’IER est déboussolé par la situation de ces contractuels. On se bat pour que la situation soit réglée le plus rapidement possible et surtout faire en sorte que cela ne se répète plus. Le Directeur général a déjà donné des consignes pour le règlement de cette affaire », a déclaré M. Traoré. Selon lui, les six (6) centres de l’IER sont autonomes et chaque centre gère ses agents. 

Toutefois, en se référant aux documents présentés aux conseils d’administration des cinq dernières années, les chiffres bottent en touche le motif du problème financier évoqué par le chargé à la communication.

En effet, l’IER reçoit une subvention de l’Etat estimé à plus de trois (3) milliards FCFA.

Pour les années suivantes : 2017, 2018, 2019, 2020 et 2021, le montant de la subvention de l’Etat alloué à l’IER s’élevait à plus de trois milliards francs CFA, selon les rapports financiers présentés au conseil d’administration pour les années indiquées. « D’un point de vue juridique et technique, de cette rubrique, doivent être payés les salaires et indemnités du personnel de l’IER dans son intégralité. Le manuel de procédure comptable prévoit la centralisation des salaires. Selon les dispositions du décret n°01-184/p-rm du 24 avril 2001 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement de l’institut d’économie rurale en son article 6, le budget de l’IER est exécuté par le Directeur Général qui en est aussi l’ordonnateur. Malgré un accord conclu entre le SNESUP et le Gouvernement le 24 juin 2020, les salaires des contractuels recrutés par les CRRA continuent d’être payés sur des budgets logés au niveau des CRRA », peut-on lire dans une correspondance du syndicat adressée au ministre de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche en décembre 2020. 

Nos tentatives pour rencontrer le Directeur Général de l’institut sont restées sans suite.

Qui bloque le paiement des salaires de ces travailleurs contractuels qui n’ont rien fait pour mériter cette situation ? Le ministère du Développement rural est-il au courant de cette affaire ? Que fait-il pour soulager la souffrance de ces chefs de familles ? 

La loi 96-015 portant statuts général des Etablissements Publics à caractère Scientifique, Technologique ou Culturel (EPSTC), en son article 21, stipule que « l’autorité chargé des attributions de tutelle sur l’Etablissements Publics à caractère Scientifique, Technologique ou Culturel (EPSTC) est le représentant de la personne publique créatrice. Elle est garante : de la réalisation de la mission de l’établissement ; du respect par l’établissement des textes organiques, du statut, des accords et conventions ; du patrimoine de l’établissement. L’acte constitutif de chaque Etablissements Publics à caractère Scientifique, Technologique ou Culturel (EPSTC) précisera les domaines d’intervention et les modalités d’exercice de la tutelle ».

En clair, le département de tutelle qui préside d’ailleurs les conseils d’administration doit veiller scrupuleusement au respect des procédures de recrutement et de rémunérations des travailleurs de l’IER tels que prévues par les textes.

Que se passe-t-il donc au niveau de cette structure hautement stratégique pour l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire dans notre pays ?

En 2019, une plainte au pole économique et financier de Bamako a visé des responsables de l’Institut d’économie rural (IER) pour dénonciation de malversations dans la gestion administrative et financière. Suite aux enquêtes, certains responsables de l’IER ont été placés sous contrôle judiciaire. 

Il faut noter que l’Institut d’Econome Rurale (IER), Etablissement Public à caractère Scientifique, Technologique ou Culturel, créé en 2001, a pour objectifs de contribuer à la définition et à la mise en œuvre des objectifs et des moyens de recherche et d’étude au service du développement rural ; élaborer et mettre en œuvre les programmes de recherche agricole, assurer un appui technique au développement agricole ; contribuer à la formation et à l’information scientifique et technique du personnel de la recherche et du développement agricole ; procéder à la mise au point de technologies appropriées pour l’accroissement de la production et l’amélioration de la productivité du monde rural ; diffuser les résultats des recherches et des études et enfin fournir des prestations de services dans son domaine de compétence.

Daouda T Konaté

Source: L’Investigateur

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