Extrémisme violent au Mali et au Sahel: Les causes d’un désastre régional

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Depuis l’installation des groupuscules de GAT dans plusieurs régions du sahel, l’extrémisme violent a pris un tournant décisif dans la guerre asymétrique imposée par les terroristes. Entre attaques et attentats, les djihadistes procèdent à des recrutements massifs pour grossir leur rang pendant que les différents États mettent en place des voies et moyens pour contrer le fléau.

Majoritairement constitués d’éléments issus de populations locales, les terroristes recrutent pour la plupart du temps dans les régions qui sont sous leur emprise. De gré ou de force, plusieurs personnes y adhèrent pour différentes raisons.

Faisant usage de tactiques asymétriques et d’une coordination étroite, ces groupes ont amplifié les frustrations locales et les différences intercommunautaires afin de stimuler les recrutements et encourager les sentiments anti-gouvernementaux au sein des communautés marginalisées. Un moyen pour eux d’influencer le choix des volontaires qui adhèrent à leurs causes.

Selon international-alert, les abus d’État constitueraient la principale cause de l’extrémisme violent en Sahel central. Un récent rapport de cette structure International a révélé que la montée de l’extrémisme violent au Sahel s’explique essentiellement par une réaction contre l’incapacité des États d’assurer la sécurité et la fourniture de services publics de base, loin donc de toute idéologie d’inspiration religieuse.

S’appuyant sur de nombreux entretiens avec les communautés peules au Burkina Faso, au Mali et au Niger, cette étude explore les raisons pour lesquelles les jeunes décident ou non de rejoindre un groupe armé. Ainsi, International-alert estime que les abus d’État et la corruption généralisée y apparaissent comme les principaux facteurs déclencheurs du ralliement de certains jeunes Peuls aux groupes armés.

De ce fait, les résultats de l’étude montrent également un manque total de confiance des communautés locales envers les forces de défense et de sécurité, ce qui constitue une sévère mise en garde envers une approche du « tout-sécuritaire » utilisée pour lutter contre l’extrémisme violent dans la région.

Ce rapport révèle que, dans un contexte de pauvreté et de chômage généralisé, améliorer leur statut social au sein de la communauté constitue pour les jeunes une motivation plus grande pour rallier les groupes armés que l’appât du gain au sens strict. Cela s’explique par la stigmatisation sociale très marquée du chômage dans l’ensemble de la région. Cependant, l’appartenance à un groupe extrémiste violent ne se traduit pas nécessairement par un enrichissement personnel.

Méthode d’enrôlement

Pour africa center, on exploite les frustrations vers la radicalisation. Ainsi, chaque groupe, en particulier la katiba Macina dirigée par Koufa et Ansaroul Islam, a entrepris d’exploiter les frustrations locales et de les intégrer à un discours de recrutement sophistiqué, adroitement centré sur la marginalisation réelle ou ressentie par certaines communautés. Ces efforts ont fréquemment ciblé les jeunes bergers peuls, en utilisant leur sentiment d’injustice et le profond ressentiment que certains nourrissent à l’égard de leur gouvernement. En dépit de l’absence d’un soutien populaire massif, les groupes armés terroristes ont employé cette théorie à outrance pour susciter la révolte et radicaliser les partisans. Pour preuve, le FLM tout comme Ansaroul Islam, ont su tirer profit du charisme, de leur idéologie structurante et de l’engagement personnel de leur chef pour attirer de nouveaux partisans.

Ces groupes ont aussi utilisé les rancœurs historiques entre certaines communautés pour semer la discorde et inciter à la violence. Ainsi, l’EIGS a exploité la colère générée par les vols de bétail, notamment commis le long de la frontière malo-nigérienne, pour exacerber les tensions entre nomades Touaregs (ces derniers étant perçus comme « voleurs de bétail ») et bergers peuls. Depuis plusieurs années, l’animosité grandissante entre ces communautés a renforcé l’insécurité dans ces zones. De son côté, le Front pour la Libération du Macina (FLM) s’est lui aussi employé à utiliser des rancœurs et frustrations locales historiques pour exploiter les clivages sociaux existant entre Peuls et d’autres groupes locaux, comme les Bambaras et les Dogons. Ces récriminations, dont certaines faisaient référence à des conflits séculaires, ont été instrumentalisées par le FLM et ont dégénéré en affrontements interethniques dans le centre du Mali.

Sortie du pétrin

Face à ces événements, la méfiance des communautés s’est accrue, ainsi que leur réticence à collaborer avec les forces de l’ordre, par peur de représailles. Cette tendance s’est trouvée aggravée avec des allégations d’abus et de violations des droits humains commises par les forces de défense et de sécurité, en particulier au Mali et au Burkina Faso. Ces actes ont nourri une suspicion croissante à l’égard des forces de sécurité et ont contribué à renforcer la défiance existante entre ces dernières et les communautés locales.

En représailles, le 26 février 2018, le gouvernement malien a adopté la politique nationale de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent et le terrorisme (PNLEVT) et son plan d’action 2018-2020 élaboré en décembre de la même année avec l’appui des partenaires internationaux, en l’occurrence la MINUSMA. Cette politique s’ajoute à la loi de juillet 2008 portant la répression du terrorisme au Mali. Pour contrer le phénomène en tenant compte des dimensions sociales complexes de cette violence, les États sahéliens devraient déployer des efforts plus concertés pour renforcer la solidarité avec les communautés touchées, tout en affirmant une présence sécuritaire plus robuste et plus mobile dans les régions contestées.

ASK

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