16 Jours d’activisme contre les VBG: Entretien avec Mme Diallo Assétou Diarra « Les femmes et les filles peuvent être victimes de harcèlement dans tous les domaines d’activités »
Directrice exécutive de l’association Femmes et TIC, Mme Diallo Assétou Diarra est journaliste. Fact-Checkeuse, elle dispose d’une expertise avérée dans la vérification des faits. Membre de l’association des professionnels de la presse en ligne au Mali (APPEL-Mali), elle a développé de solides compétences dans la maitrise des outils numériques. Dans le cadre de la célébration de la campagne des 16 Jours d’activisme prévue du 25 novembre au 10 décembre 2024, la Rubrique « Femmes » de Mali24 Info a interrogé Mme Diallo Assétou Diarra. Elle nous explique le cyber-harcèlement dont les femmes et les jeunes filles sont victimes. Entretien !
Mali24 Info : Comment définir le cyber harcèlement ?
Mme Diallo Assétou Diarra : Le cyber-harcèlement, c’est tout type d’harcèlement qui se fait par le biais du numérique. Il s’agit de tous les outils qui peuvent être utilisés dans ce cadre, par exemple : les réseaux sociaux, l’internet, le téléphone portable, l’ordinateur, les tablettes etc. Cela peut aller des insultes, des menaces, des intimidations, du chantage, jusqu’à l’intrusion dans la vie privée à travers les plateformes numériques.
Pouvez-vous nous parler de votre cas ?
Je suis victime de cyber-harcèlement et profondément touchée, puisque ma situation n’est pas résolue jusqu’à présent. Mon numéro de téléphone portable a été utilisé sur un site de rencontres amoureuses ou sexuelles d’hommes et de femmes.
J’ai commencé à recevoir de plus en plus d’appels téléphoniques de ces personnes, de surcroit la nuit. Les personnes qui me contactent se disent que je suis au courant du service. Ils me parlent souvent avec un ton assez désagréable, ce qui m’amène à réagir également de manière encore plus désagréable. Alors, ils se rendent compte qu’ils se sont fait arnaquer, parce qu’en général, ils payent pour avoir accès aux filles censées satisfaire leur libido.
Alors que je n’ai jamais donné mon contact pour ces genres de rencontres, d’où l’intérêt de se protéger de ces outils.
Quelles sont les différentes formes de harcèlement en ligne dont les femmes et les filles peuvent être victimes ?
Les femmes et les filles peuvent être victimes de harcèlement dans tous les domaines d’activités.
Très souvent, elles sont victimes d’attaques, de chantages, de hameçonnages par rapport à leur intimité et leurs données personnelles à travers des vidéos ou des photos. Bref, des contenus qui peuvent porter préjudice à leur honneur, leur dignité, et même à leur réputation dans la société.
Hélas, il faut reconnaître qu’il y a des femmes qui n’ont pas atteint un certain niveau de scolarisation et d’autres ne disposant pas d’esprit critique sont facilement manipulables et deviennent des proies faciles.
On peut prendre l’exemple d’une femme qui veut s’investir en politique, si une tierce personne dispose de photos ou de vidéos d’elle dénudées, sa réputation peut être ternie.
Selon vous, quelles sont les conséquences du harcèlement en ligne sur les femmes
Les conséquences sont nombreuses. La carrière professionnelle, la dignité, la réputation d’une personne peuvent être entachées à vie. Pour celles qui ne supportent pas la honte, les regards des autres, les discriminations, les marginalisations et mépris, elles finissent par la folie ou le suicide.
Quelle attitude une femme et une jeune fille victimes d’harcèlement en ligne doit adopter ?
Pour une victime, il faut porter plainte au Pôle lutte contre la cybercriminalité pour identifier le type de harcèlement. C’est la première attitude à faire face aux cyber-attaques. Si possible, communiquer là-dessus afin que d’autres femmes ne puissent pas tomber dans le même piège. C’est pourquoi la sensibilisation est nécessaire et une large communication. Dans beaucoup de cas, les femmes, elles-mêmes, sont à l’origine de la fuite de leurs informations personnelles et intimes.
Quels conseils pouvez-vous donner aux femmes et jeunes filles?
Les femmes et jeunes filles doivent éviter d’exposer leur nudité, leur vie intime sur la place publique.
Les jeunes filles ne doivent en aucun cas faire des photos ou vidéos compromettantes qui montrent leur nudité et leur visage, à plus forte raison les envoyer à une personne quel que soit le degré d’amour dans la relation. Cet amour peut se transformer un jour en haine et nuire leur existence. Il ne faut pas oublier que ces plateformes peuvent stocker les contenus pendant des années, voire 100 ans.
Prenons l’exemple sur Facebook, des contenus de plus de dix ans qui peuvent refaire surface. Il faut être prudents et éviter de partager des contenus qui peuvent rendre mal à l’aise ou les défavoriser ainsi que leurs enfants.
Il est important aussi de changer régulièrement les mots de passe des comptes sur les réseaux sociaux. Eviter aussi d’accepter les demandes d’amis des inconnus susceptibles d’utiliser un jour le même pseudonyme pour arnaquer les amis proches et la famille.
Que représente la campagne des 16 jours d’activisme pour vous ?
C’est une lutte que j’encourage et j’invite toutes les femmes à y participer chaque année.
La campagne des 16 jours d’activisme fait partie des grandes luttes qui s’imposent à travers le monde par les violences basées sur le genre notamment les violences conjugales.
La femme a une importance capitale dans la société malienne. Elle joue un rôle très capital dans la transmission de belles valeurs morales, éducatives aux enfants. Nous sommes toutes amenées à être des futures mamans. Dans la plupart de ces cas, elles sont victimes, les réseaux sociaux l’amplifient. Sur le réseau social TikTok, nous voyons à longueur de journée des contenus qui nous désolent. L’intelligence artificielle y a ajouté son grain de sel.
Cette lutte a toute sa place dans l’ère vers laquelle nous sommes en train d’avancer, de plus en plus de personnes ont accès à ces outils. Malheureusement, les conséquences de ces outils vont avec les avantages, car on ne se donne pas le temps de lire toutes les conditions d’accès aux services et souvent obligés de les cocher.
Les 16 jours d’activisme sont ces jours où on doit se poser des questions sur les VBG, trouver des solutions et donner des conseils à nos sœurs, à nos consœurs, nos petites sœurs, nos mamans, à nos tantes, et même quelques-unes de nos grands-mères.
C’est le moment de rappeler à tout le monde que les violences existent, même si elles sont numériques, elles sont aussi physiques, elles peuvent conduire au suicide.
Propos recueillis par Kada Tandina
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