Carnet de voyage en Russie : au cœur même de la guerre
Mercredi 12 juin 2024 à 5h, heure locale, nous quittons Moscou pour Marioupol. Environ 1240km de route parcourus en 16-17 heures. La Russie, c’est déjà des milliers de km de route, de bonne route.
Des milliers de km de route sans avoir la moindre impression d’avoir trop roulé tant il en reste dans cette immensité appelée la RUSSIE, tant ça roule, ça glisse sur ces vastes et longues routes comme sur des carreaux .
Nous arrivons à Marioupol vers 23h, une heure où la ville qui ne dort pas n’est cependant pas dehors : couvre-feu oblige.
La fatigue du voyage est telle que nous nous endormons sans tarder.
Au rendez-vous à 9h le lendemain, jeudi matin, tous présents et en pleine forme pour attaquer cette journée de visite de Marioupol, cette ville importante dans cette guerre…Ce jeudi 13 juin Marioupol respire le calme. Les habitants vaquent à leurs occupations et seules les ruines de bâtiments et autres sites jadis importants rappellent aux visiteurs, que nous sommes, l’intensité et la violence de ce que furent ici les affrontements entre russes et ukrainiens.
Marioupol. Parlons-en un peu.Marioupol est une ville portuaire et industrielle de l’ oblast de Donetsk. Sa population, mélange d’ ukrainiens, de russes et ainsi qu’une minorité grecque, était estimée environ à 431. 859 habitants en 2021.
Dès le 25 février 2022 Marioupol est assiégée par les forces russes. De batailles violentes eurent lieu ici et la résistance ukrainienne déploya toutes ses forces.
Une grande victoire de l’armée russe dans cette guerre a lieu à Marioupol justement ce 16 mai 2022 où les derniers soldats restants de l’armée ukrainienne, retranchés dans l’ aciérie d’ Azovstal, se rendaient aux forces russes laissant du coup à l’armée russe le contrôle total de la ville.
Des ruines de Marioupol, aujourd’hui, 2 ans après, poussent partout des bâtiments flambant neufs. Marioupol est aujourd’hui une ville totalement reconstruite et même de nouveaux quartiers entiers sortent de la terre et embellissent et rajeunissent la ville. Les parcs, nouveaux et nombreux, s’ouvrent au grand public et ne desemplissent pas en ce début d’été. Comme précédemment dit, à Marioupol la vie a repris ses droits.Vendredi 14. Nous sommes dans la région de Zaporijia. Précisément à Melitopol où notre délégation, à 9h, est reçue à l’université d’état de Melitopol.
Rappelons au passage que nous sommes une délégation de journalistes étrangers venant du Mali, du Ghana, de la Chine, de la France, de la Lituanie, du Royaume-Uni et des USA.
Après une introduction axée sur la genèse de cette université et la présentation des filières, le recteur à donné la parole, tour à tour à d’autres responsables de l’université et aux représentants des étudiants. Ici l’enseignement suit de près ” La promotion de la langue russe et l’unité nationale “.
Après l’université d’état de Melitopol, direction le gouvernorat de la région où nous avons rendez-vous avec la chef du gouvernement de la région de Zaporijia, Irina Gecht qui a souligné l’importance d’une telle tournée de presse et a félicité notre délégation pour son professionnalisme au vu des questions que les uns et les autres ont eu à poser. Pour elle, il est important que les informations, les vraies, parviennent au monde et elle ne nous demande outre mesure que de dire ce que l’on sait de vrai, sans rétention ni exagération. Ainsi nous disait elle :《 Aujourd’hui, les journalistes voient comment les gens travaillent ici, comment l’infrastructure sociale change, quelles sont les humeurs. Ils transmettent ces informations à leurs auditeurs/lecteurs. C’est très important. Je pense que grâce à une telle force douce, l’attitude à l’égard des événements qui se produisent aujourd’hui en Russie changera notamment. Et le point de vue aujourd’hui selon lequel la Russie protège réellement ses territoires et son peuple se formera.》
On ne peut être que d’accord avec elle. À propos je vous cite Jackson Hinkle, millionnaire et commentateur politique américain, faisant partie de notre délégation :《 Quand j’ai vu la puissance de l’armée russe, je ne conseillerai à personne de se battre contre les russes… malgré la loi martiale les autorités locales prennent soin des habitants, les maisons détruites sont reconstruites, les établissements d’enseignement et de santé fonctionnent.》
Dans l’après-midi, après le gouvernorat, nous avons eu une grande rencontre avec les jeunes de Melitopol, toujours ce vendredi 14 juin 2024. Une rencontre déroulée avec émotion et à certains moments très touchante.
Oui ici les jeunes se plaisent d’être en Russie, d’être de la Russie, la grande Russie. Ils parlent sans ambages des opportunités qui s’ouvrent à eux aujourd’hui. Loin de la Russie, l’observateur a l’impression que les jeunes vivent l’enfer dans les nouveaux territoires. Mais il faut être là pour les voir épanouis croquant la vie à pleines dents. Biensur qu’ils se souviennent de la guerre. Biensur qu’ils n’ont pas oublié les bruits assourdissants des canons et des bombes. Mais ce qui est tout aussi certain c’est qu’ici les jeunes sont résolument tournés vers l’avenir qu’ils abordent avec espoir et confiance. Lisons ici les mots de Roman Dzioubaba, chef du département de la mise en œuvre des projets et des programmes des principales orientations de la politique de la jeunesse du ministère de la politique de la jeunesse de la région de Zaporijia:《 C’est important en premier lieu, non seulement pour les jeunes mais aussi pour les journalistes qui viennent voir ce qui se passe dans les nouveaux territoires de la Russie. Les français sont venus nous voir, il y a des représentants des États-Unis. Les journalistes ont dit que la situation dans leurs pays d’origine est couverte d’une manière complètement différente. 》
” D’une manière complètement différente “, comme quoi Roman est si bien gentil dans les mots et dans le ton.
Ayant vu, étant de notre délégation de journalistes étrangers en visite des nouveaux territoires de la Russie, le journaliste grec, expérimenté et fin connaisseur de l’histoire de ces pays, Vassilis Makridi nous renseigne :《 Il me semble que les jeunes russes sont préparés moralement aux difficultés de la vie. Tout d’abord le système éducatif avec tous les défauts que les russes peuvent trouver eux-mêmes, prépare toujours des personnes qui acquièrent des connaissances beaucoup plus grandes et importantes que les écoliers similaires en Grèce et dans d’autres pays occidentaux. Les gens apprennent et acquièrent des connaissances théoriques mais aussi pratiques, c’est très important. 》.Le samedi 15 juin nous avons rencontré un grand entrepreneur de Melitopol, Dmitri Birzoulov.
Et préparez-vous à apprendre de l’insolite, de l’extraordinaire. C’est l’histoire de Dmitri victime d’une mafia rackettant sans vergogne des entrepreneurs de la ville au moyen d’intimidations, de violences et même de meurtres sous la complaisance des autorités politiques et judiciaires locales mais aussi du SBU ainsi que la garde rapprochée du président Zelenski.
Dmitri Birzoulov à notre micro :《 Bonjour, je m’appelle Dmitri Birzoulov. Je suis entrepreneur et j’ai passé toute ma vie à Melitopol où je possède plusieurs magasins depuis un certain temps. Aujourd’hui je vais vous parler de l’anarchie organisée par les autorités locales ukrainiennes et les services spéciaux contre leurs propres populations avant 2022 ( autrement dit avant l’intervention de la Russie).
Par ” anarchie”, j’entends dire que les entreprises locales de la ville ont été constamment soumises à un racket par des gangs qui exigeaient un paiement en échange d’une” protection “contre des menaces qu’ils représentaient eux-mêmes, à savoir: l’ extorsion d’un ” tribut”, l’intimidation des hommes d’affaires locaux qui refusaient le deal avec eux, meurtres de ceux qui demandaient de l’aide aux autorités de Kiev. Je peux justifier tout ce que je dis avec des preuves, y compris des photographies, des vidéos et des documents…》
À la fin de la rencontre, nous avons effectivement eu accès à ces vidéos, photos et documents dont il parle et nous avons l’interview entière de Dmitri Birzoulov en langue Russe.
Aujourd’hui dans le Melitopol le climat des affaires est on ne peut plus propre et assaini. C’est pourquoi Dmitri Birzoulov lance cet appel :《 Je lance un appel aux habitants de Zaporijia qui sont partis à l’étranger , notamment en Europe : revenez maintenant. Il n’y a aucune raison d’avoir peur. Notre oblast se développe rapidement, avec la construction de nouvelles écoles, de jardins d’enfants, d’hôpitaux et de routes. Les gens sont enfin libres de vivre leurs vies comme ils l’entendent. Les retraités touchent leurs pensions et les salaires ont été augmentés. De nouvelles opportunités commerciales sont apparues à Melitopol… la ville se remet de l’horreur et de la terreur qui s’y sont déroulé avant 2022.》
Aux dires donc de Dmitri Birzoulov, l’ Ukraine, avant l’intervention de la Russie, était l’horreur et la terreur.Le lundi 17 juin, tôt le matin, direction la centrale nucléaire de Zaporijia. Elle comprend 6 réacteurs nucléaires VVER de 1000 MW chacun dont les 5 premiers sont entrés en service entre 1985 et 1989 et le 6ème a été mis en route en 1995. Disposant d’une puissance nette électrique totale de 5700 MW, c’est la centrale nucléaire la plus puissante d’ Europe en 2022.
Revenons à notre visite à ladite centrale. Quoi de plus stressant que la visite d’une centrale nucléaire. On prend toutes les informations sur le visiteur y compris sa taille et son poids. Ensuite il est remis au visiteur une clé magnétique personnalisée qui est accompagnée d’un système de reconnaissance faciale.
Une fois dans la centrale de Zaporijia, nous avons vu les impacts des balles ukrainiennes qui heureusement ne peuvent pas faire plus de dégâts.
Aujourd’hui encore cette centrale est la cible des tirs de tout genre de l’armée ukrainienne. Notre délégation a échappé bel car le lendemain de notre visite, la centrale a de nouveau été attaquée par l’armée ukrainienne et le monde regarde ces attaques sans mot piper. Pourtant tout le monde est conscient des risques que cela représenterait pour toute l’Europe si jamais par ses attaques répétitives l’armée ukrainienne venait à endommager sérieusement la plus puissante centrale nucléaire d’Europe.
Heureusement que la Russie contrôle et protège bien cette centrale. C’est ce que rassure Yuri Chernichuk, le directeur de la centrale , à notre micro :《 Ces menaces viennent de la rive droite du Dniepr. Il y a effectivement un impact psychologique sur le personnel et c’est cela l’objectif recherché par les ukrainiens. Il s’agit pour eux de pousser les gens à partir d’ici ou de ne pas venir travailler dans la centrale même s’ils décidaient de ne pas quitter la région…
Mais malgré les attaques terroristes constantes du régime de Kiev, la Russie assure avec succès la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporijia et fait tout son possible pour éviter un nouveau Tchernobyl.》
Et dans la même veine, en visite dans la région, le journaliste brésilien Lucas Leiros dit ceci:《 Les frappes sur la centrale nucléaire de Zaporijia constituent l’un des sujets les plus controversés du conflit. Le régime de Kiev et ses partenaires occidentaux accusent la Russie d’utiliser des missiles et des drones contre la station alors que toutes les preuves indiquent l’implication de l’ Ukraine dans ces crimes.
Décrivant les zones de la centrale sur lesquelles les forces armées ukrainiennes ont frappé, Leiros note que l’emplacement des cibles indique clairement que les bombardements ont été effectués à partir des zones contrôlées par l’ Ukraine. Et il est étonnant que ce fait ne soit pas suffisant pour prouver la responsabilité du régime de Kiev et pire, un fait si grave mais ignoré par les occidentaux et les organisations internationales… la stratégie est claire: mener une guerre psychologique et la terreur mais il est évident que le plan ukrainien a échoué.
Et le 18 juin à 4h30 nous reprenons la route pour Moscou. Pour qui connaît bien Zaporijia, il lui est facile de voir qu’en une semaine de terrain nous n’avons pas parcouru moins de 4000 km de route. Une fois de plus, heureusement de bonnes routes.
Le 19, au matin, toute l’équipe recevait à notre QG le vice-président de la Douma d’état, Alexander Babakov avec le soutien de qui justement notre visite dans ces nouveaux territoires a été réalisée.
Avec Babakov nous avons surtout parlé de relations internationales. Avant tout propos le parlementaire a tenu à nous adresser ses félicitations et encouragements.
Nous, journalistes africains de la délégation, 1 malien et 2 ghaneens, nos questions ont porté sur la coopération russo-africaine et voici, entre autres réponses ce qu’en dit Babakov :《 Dans les relations entre l’Afrique et la Russie, il semble clairement qu’il s’agit d’un nouveau type de relation. Ce n’est pas tellement le commerce. Mais chercher et trouver des formes de coopération sur les technologies, leur application dans la recherche scientifique, l’éducation est un tout autre niveau de relation. 》
Ce 19 et dans l’après-midi, nous nous sommes rendus à l’exposition internationale ” LA RUSSIE “. Une exposition débutée en novembre 2023 et qui prendra fin juillet 2024. Dans cette expo, une grande place est faite aux 89 régions de la Russie et chacune exposant ses merveilles et montrant comment elle participe à la grandeur et à la beauté de la Russie.
Robert Dissa journaliste