Contre le retour à l’ordre constitutionnel : La grossière artillerie sécuritaire
Dans la foulée des inquiétudes et interrogations qui taraudent le microcosme politique ces derniers temps, le président de la Transition a choisi de trancher le noeud gordien en levant un grand coin du voile sur le sort des élections générales et du retour l’ordre constitutionnel. En rompant le silence sur la question, Assimi Goïta a enfoncé dans une nouvelle incertitude le rendez-vous devant consacrer la normalisation institutionnelle, après plusieurs canulars dont le léger report précédemment annoncé par l’actuel PM es qualité ministre en charge du processus du électoral. Sauf que les raisons évoquées par le chef de l’Etat, face aux chefs d’institution, sont à mille lieues de celles brandies en son temps par le ministre de l’administration territoriale. Il n’est plus question, en clair, de récupérer un certain fichier pris en otage par des concepteurs étrangers, mais d’intégrer dans le processus électoral les ingrédients et préalables d’un scrutin apaisé. On se réveille donc à nouveau la subordination d’un processus électoral aux contraintes sécuritaires qu’on croyait jugulées, à en juger par le battage constant sur la montée en puissance de l’armée ainsi que sur les succès engrangés contre le terrorisme. En définitive, à ceux qui s’effarouchaient de l’absence des élections au chapitre de l’adresse présidentielle du nouvel an, il leur aura simplement échappé que le ton de la nouvelle volte-face avait été donné depuis la lettre de cadrage que le nouveau chef du gouvernement, lors de son premier et unique échange avec la classe depuis sa nomination, avait interprétée en ces termes : «Nous allons faire l’effort d’aller vite, mais allons faire beaucoup attention pour ne pas confondre vitesse et précipitation». Et de laisser entendre dans la foulée que la tenue d’élections dans un contexte d’insécurité pourraient être porteuse de crise post-électorale dont le pays «ne peut s’offrir le luxe».
Seulement voilà : la levée des équivoques par la plus haute autorité sonne comme un pied-de-nez voire du mépris et de la défiance vis-à-vis d’une classe politique, dont les différentes composantes retiennent à peine leur agacement devant une certaine outrance dans la persistance d’un régime exceptionnel avec ses étouffantes dérives immanentes : caisse de résonance législative, absence de contre-pouvoirs, décisions étatiques unipolaires, etc. Autant de raisons qui justifient la multiplication de sons de cloche différents sur fond d’expressions de ras-le-bol contre la trop longue durée de la Transition. Celle-ci est notamment ouvertement décriée par les uns, lorsque d’autres ne nuancent encore leur position que par pudeur loyaliste.
«Nul ne rend service à un pouvoir établi, en lui conseillant de se soustraire à l’organisation des élections», avait récemment alerté Me Mountaga Tall, un soutien naturel du pouvoir, lors d’une récente sortie publique, avant que d’autres acteurs d’obédience opposée ne donnent de la voix dans le sens d’une exigence d’accélérer le processus du retour à l’ordre constitutionnel. Il paraît plausible, dès lors, que les contraires se rejoignent sur une évidence : la légèreté flagrante de l’argument présidentiel annonciateur d’un énième ajournement du retour à l’ordre constitutionnel. Par-delà le battage à tout-va autour d’une montée en puissance de l’armée, la grossièreté de l’alibi réside aussi dans l’organisation d’une précédente consultation référendaire de même portée et dans un contexte similaire.
Par ailleurs, la dérobade sécuritaire ne présente guère moins d’incohérences que cet autre motif parallèlement évoqué par le ministre délégué en charge du processus électoral. Selon lui, le plausible piétinement de la normalisation institutionnelle se justifierait surtout par l’indisponibilité d’un fichier électoral ainsi que d’une loi électorale. Un faux-fuyant battu en brèche par la réhabilitation des données biométriques naguère brandies par les autorités comme la victoire d’une expertise locale sur les velléités rétentionnaires des concepteurs européens du système. La disponibilité du fichier ressort, au demeurant, dans les assurances données par l’organe indépendant de gestion des élections, dont le président déclarait urbi et orbi qu’aucune contrainte organisationnelle ne s’opposait à la tenue des élections.
En tout état de cause, il est désormais de notoriété publique que sur la question du retour à l’ordre constitutionnel, les intentions sont plus intrigantes que ne sont convaincantes les spécieuses arguties qui les sous-tendent et les velléités dilatoires sont en passe de décrédibiliser les démarches et jalons jadis crédités d’une sublime aspiration à la souveraineté. Une atmosphère qui rend plus plausible une fronde pro-électoraliste que la redoutable crise post-électorale sur laquelle surfent les autorités avec tant d’alarmisme.
A, KEÏTA
mali24
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