La chute du Mali : Le film de la tragédie
Devant l’incapacité de l’armée malienne à chasser les groupes djihadistes islamistes du nord du pays, le président par intérim Dioncounda Traoré a officiellement écrit, le 4 septembre 2012, au président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, président en exercice de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), pour lui demander de l’aider à les neutraliser militairement. Un sommet de la CEDEAO, tenu à Bamako, le 4 novembre 2012, a adopté un plan militaire de libération du Nord- Mali par un contingent militaire de 4 000 soldats à constituer (contre 3 300 soldats retenus initialement), qui devait être soumis au Conseil de sécurité des Nations-Unies pour adoption par le gouvernement malien.
Le 10 novembre, le sommet de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a décidé de la constitution d’une armée de 3 300 soldats, à constituer avec des troupes en provenance des pays de la CEDEAO et d’autres pays africains (Afrique du Sud, Tchad, Mauritanie, Maroc, etc.) sous la supervision de l’armée malienne (comprenant 5 000 soldats, semble-t-il) qui serait déployée dans un an à partir de cette date.
Le 20 décembre, le Conseil de sécurité des Nation unies (NU) a voté une résolution autorisant une intervention militaire pour libérer le nord du Mali, soumise à travers la France, membre de ce conseil, décidée à aider militairement le Mali pour chasser les rebelles djihadistes et islamistes.
Entre-temps, la dualité du pouvoir se poursuivait entre le capitaine Amadou Haya Sanogo et le Pr Dioncounda Traoré, et leur contradiction politique a amené à la démission forcée du Premier ministre Cheick Modibo Diarra qui aurait refusé l’utilisation abusive de certains fonds du budget national). Cheick Modibo Diarra a été immédiatement remplacé par M. Django Cissoko, ancien médiateur de la République, comme Premier ministre, au moment où les troupes rebelles touareg avançaient en colonnes sur Konna, à 60 km de Sévaré.
L’armée malienne a tenté pendant cinq (05) jours de combat, de stopper ces rebelles au niveau de Konna, en vain. Elle a été obligée de se retirer de Konna, qui a été prise par ces rebelles. Le professeur Dioncounda Traoré, président par intérim, a ainsi demandé l’intervention immédiate de l’armée française pour empêcher les rebelles de prendre Mopti et d’avancer sur Bamako.
Pour se couvrir juridiquement, la France a fait voter par le Conseil de sécurité des Nations unies une résolution qui l’a autorisé à intervenir militairement au Mali; ce qui a été fait à partir du 11 janvier 2013 sous l’opération française Serval, dont les avions militaires ont débarqué à l’aéroport de Sévaré et aidé l’armée malienne à stopper les troupes rebelles, à libérer Konna et à les empêcher d’aller prendre Mopti et Bamako (l’espionnage français aurait repéré deux colonnes rebelles conduisant des véhicules pick up 4×4 armés de canons, l’une plus au nord et l’autre aux environs de Konna, chacune comptant au moins 200 véhicules pick-up 4×4 armés; la colonne qui a pris Konna la veille aurait été équipée de 100 véhicules pick-up 4×4 et comptait environ 1200 rebelles d’après cette source française).
Les frappes des infrastructures militaires des rebelles par l’aviation de Serval les ont fait fuir de Gao, Tombouctou et Douentza. L’armée terrestre française était ensuite entrée en action dans ces zones à partir de ravitaillements terrestres à partir de la Côte d’Ivoire. Des troupes des pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) (Burkina Faso, Sénégal, Bénin, Togo, Niger, Guinée Conakry, Nigeria sous la direction d’un général nigérian), ainsi que le Tchad (dont les 2 000 soldats ont commencé à venir par la route dans la première semaine de février au Mali à 3000 km du Tchad), ont ainsi commencé à intervenir au Mali pour soutenir l’armée malienne et Serval et chasser les rebelles du Nord du Mali.
Vers la fin de janvier 2013, Hombori, Tombouctou et Gao ont été libérées par une action conjointe de l’armée malienne et de Serval (des troupes aéroportées ont atterri à l’aéroport de Gao que les rebelles du Mouvement pour l’unicité et jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) avaient saccagé et abandonné); les troupes nigériennes, accompagnées par une fraction de l’armée malienne conduite par le colonel touareg, Elhadj Gamou (proche des autorités maliennes), étaient arrivées par la suite à Gao à partir du Niger).
Le 29 janvier, l’armée française a atterri seule à Kidal, où il n’y aurait pas eu de résistance de la part des rebelles (qui se seraient retranchés dans les montagneuses rocheuses alentour); mais elle a rencontré à Kidal des responsables du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui l’auraient aidée à repérer et à traquer les rebelles djihadistes et islamistes (à partir de ce moment les maliens ont compris le double jeu de la France, qui a distingué entre les djihadistes d’Ançar-Dine, d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et du MUJAO devant être abattus militairement et les rebelles du MNLA à ne pas combattre sous prétexte que cette dernière a fait des revendications politiques que seul le gouvernement malien devrait régler.
Les bombardements des positions rebelles djihadistes et de leurs caches d’armes et de munitions par l’aviation française dans les zones de Kidal, Aguel’hoc, Tessalit, etc., ont continué en février 2013 et les mois suivants, avec l’appui notamment au sol des troupes tchadiennes, qui ont délogé et éliminé de nombreux rebelles dans les montagnes rocheuses de la région de Kidal. Dès lors, on comprend aisément le mutisme de Dioncounda Traoré, un gouverneur français à la peau noire.
Pendant ce temps, la division au sein de l’armée malienne a persisté, notamment à travers des affrontements militaires, le 8 février 2013 à Bamako, entre bérets verts et les bérets rouges au camp militaire de Djikoroni, qui ont fait des morts parmi eux. Ceci n’a pas empêché l’Union européenne (UE) de financer la formation des soldats maliens à la demande du régime par intérim de Dioncounda Traoré (750 instructeurs militaires de l’UE ont commencé, en avril 2013, la formation, au camp de formation militaire à Koulikoro, en quinze (15) mois de 3 400 militaires maliens, soit quatre (04) bataillons de 850 soldats chacun).
En outre, le Conseil de sécurité des Nation unies a unanimement voté, le 25 avril 2013, le lancement d’une Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), qui devait être composée de 12 600 militaires (Casques bleus) au départ et remplacer à partir de juillet 2013, pour un an, la Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA), mise en place par l’Union africaine (UA) et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en 2012. La MINUSMA était au départ une armée d’interposition non offensive, qui était indépendante de La Serval française offensive (composée de 4 000 soldats français au départ, ramenés progressivement à 1 000 soldats, en fin 2013).
En juin 2016, avec l’appui de la France, membre du Conseil de sécurité des Nations Unies, ce dernier a voté une réforme de la MINUSMA pour la rendre plus robuste et la transformer d’un instrument d’interposition en un instrument offensif en augmentant son effectif de 2 500 Casques bleus supplémentaires (aux 11 000 soldats existants) et lui fournissant des avions, drones, engins blindés, etc.
Mahamadou MAÏGA (Consultant indépendant)