Situation sociopolitique, organisation des élections et affaire des militaires ivoiriens : Les regards croisés de deux leaders politiques
Dans les lignes qui suivent, deux leaders politiques à savoir l’ancien Premier ministre Moussa Mara du parti Yèlèma (le changement) et Me Mountaga Tall, président du CNID-FYT se prononcent sur la situation sociopolitique, l’organisation des élections et l’affaire des 49 militaires ivoiriens
Moussa Mara : « J’appelle à une rencontre urgente du cadre de concertation»
L’année 2022 fut rude dans le monde et dans notre pays qui a eu à faire face à des sanctions de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Comme le président de la Transition l’a dit dans son discours de fin d’année, je retiens surtout la résilience des Maliens qui ont montré leurs capacités à faire face à l’adversité et aux difficiles conditions de vie. Il faut vraiment saluer cela. Cette résilience est un acquis qu’il faut renforcer face aux nombreux défis que nous aurons à relever.
Par ailleurs, il faut déjà déplorer quelques retards sur le chronogramme des différentes actions de la Transition dont les élections. L’organe unique de gestion des élections n’a pas été mis en place de manière consensuelle et conformément aux textes. Il n’existe pas aussi dans les régions et les localités alors que cela devrait être le cas avant la fin de l’année 2022. Des difficultés existent sur le dossier de la Constitution et le referendum prévu en mars sera difficile à tenir. Le cadre de concertation entre le gouvernement et les partis politiques ne se réunit pas mensuellement, ce qui aurait permis de travailler ensemble sur le processus.
C’est le lieu d’appeler à une rencontre urgente de ce cadre de concertation pour discuter du chronogramme et voir ensemble comment on pourrait relancer les choses.
Concernant l’affaire des militaires ivoiriens, la justice s’est prononcée et il faut acter cela. Comme je l’ai dit en juillet déjà, ce dossier doit trouver une issue en usant de la politique et de la diplomatie afin de permettre à nos deux pays, unis et par l’histoire et la géographie, de continuer ensemble main dans la main. Nous devons sortir de ce dossier et les deux délégations gouvernementales qui se sont retrouvées à Bamako, il y a deux semaines ont convenu de cela. Je suis donc optimiste quant à une issue positive du dossier bientôt.
Me Mountaga Tall: «Il faut sortir de la crise avec la Côte d’Ivoire »
L’année 2022, il fallait s’y attendre, a été particulièrement éprouvante en raison du prix élevé qu’il fallait consentir à payer pour la reconquête de notre souveraineté. L’embargo économique et financier de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) avec ses conséquences sur le vécu quotidien des Maliens se situe bien évidemment dans ce cadre.
Il s’y est ajouté le conflit en Ukraine qui a des répercussions négatives sur toute l’économie mondiale. J’ajoute qu’à l’échelle nationale, certains comportements ont aggravé le calvaire de nos compatriotes. Il s’agit notamment de certains commerçants véreux qui n‘ont pas hésité à empocher les subventions de l’état tout en maintenant les prix des produits de première nécessité à des prix inabordables.
Mais on peut dire qu’à quelque chose malheur est bon. En effet, face à l’adversité, nos compatriotes, individuellement et collectivement, ont choisi la voie de la dignité, de la résilience, de la patrie, bref d’un Mali débout. Ainsi, contrairement à ce qui était ourdi, l’Etat ne s’est pas effondré et les Maliens, comme un seul homme se sont mobilisés le 14 janvier, pour défendre la patrie et créer autour de nos Forces de défense et de sécurité, une union sacrée qui contribue dans une large mesure, à leur montée en puissance.
L’an 2022 fut aussi celui de la finalisation et du début de la mise en œuvre des recommandations des Assises nationales de la refondation (ANR), un moment fondateur du Mali Kura. Ces ANR façonnent, aujourd’hui, la vie de la Nation. Comme par exemple, le processus d’élaboration de la nouvelle Constitution, la mise en place de l’Autorité indépendante de gestion des élections (Aige), la tenue de la conférence sociale dans le domaine du travail qui devrait logiquement réduire drastiquement les conflits sociaux.
L’année écoulée a également été celle de l’arrestation puis du jugement des 49 militaires ivoiriens. L’épilogue de cette affaire est peut-être pour bientôt.
Je viens d’évoquer l’Aige qui est le socle sur lequel sera bâti tout le processus des consultations programmées dont le referendum constitutionnel en premier. L’élection, contrairement à ce que beaucoup croient, ne se réduit pas au jour du vote. Loin de là !
Nombre de nos compatriotes estiment, aujourd’hui, qu’il serait impossible d’organiser tous les scrutins prévus. Je pense pour ma part que nous devons d’abord travailler dur pour réunir tous les ingrédients pour une bonne organisation des différentes échéances électorales. Il faut à cet égard d’abord et avant tout, rendre l’Aige rapidement opérationnelle.
Ensuite, et cela n’est pas facile dans le contexte actuel, disposer du budget nécessaire pour ces élections. Enfin, il faut travailler dur pour que les électeurs croient en l’importance de leurs bulletins de vote et adhèrent au processus électoral, qu’ils aient un accès facile aux bureaux de vote et une claire compréhension des techniques de vote.
à ces conditions essentielles, il serait possible de relever le défi d’organiser des élections inclusives, transparentes, régulières et dont les résultats seront acceptés par tous. S’agissant de la situation des militaires ivoiriens, je pense, sur le plan factuel, que les choses sont claires et limpides malgré les dénégations somme toute compréhensibles de la partie ivoirienne. La vérité est qu’il y a eu des fautes graves.
D’ailleurs, ce débat est désormais clos avec la décision rendue par la Cour d’assises de Bamako qui, sauf pourvoi, s’impose à tous. Mais dès lors que le Mali et la Côte d’Ivoire ne peuvent rien changer à leur géographie ni à leur histoire commune, il faut sortir de la crise. Là, il faut faire confiance aux diplomates et à la diplomatie.
Propos recueillis par
Bembablin DOUMBIA