Transition et Imam Dicko : méfiance ou menace ?
Méfiance ou menace ? Difficile de décrire le climat qui prévaut entre les autorités politico-militaires de la transition et l’influent leader religieux Imam Mahmoud Dicko, le principal meneur de la fronde populaire ayant abouti au renversement du régime de feu Ibrahim Boubacar Keita.
Le samedi 14 janvier 2023, le cortège des partisans de l’Imam Dicko qui voulaient l’accueillir à l’aéroport international Président Modibo Kéita de son retour de l’Arabie Saoudite où il a été désigné membre permanant du Bureau de la ligue islamique mondiale a été aspergé de gaz lacrymogène par les forces de sécurité du Mali.
Arrivé à son domicile, l’influent leader religieux a regretté ces incidents. « Je regrette vraiment les petits incidents qui ont eu lieu. Tout le monde doit avoir de bonne foi pour que les choses se passent bien. Ce sont des choses qui peuvent arriver. Nous présentons nos excuses à tout le monde, aux gens qui sont venus et aux forces de l’ordre qui sont aussi venus nous aider. Je crois que l’intention de tout le monde était bonne », a, pour sa part, brièvement affirmé l’ancienne autorité morale du M5-RFP.
Cette agression du cortège de l’Imam Dicko a suscité beaucoup de commentaires avec son lot d’indignation. La CMAS a condamné avec la dernière rigueur avant de demander aux autorités d’y faire toute la lumière. Le président du parti CODEM l’a condamné. De nombreuses personnalités se sont rendues chez l’Imam Mahmoud Dicko pour lui exprimer leur soutien.
Méfiance ou menace ? Ce qui est évident l’imam Dicko n’est plus en odeur de sainteté avec les autorités de la transition. Cette figure emblématique de la contestation populaire ayant labouré le terrain pour l’irruption des colonels de l’ex CNSP sur la scène qui avait annoncé son retour à la mosquée après la chute du régime de feu IBK ne partage guerre la gestion des affaires publiques surtout depuis la phase dite de rectification. Le guide de Badalabougou ne veut plus tenir sa promesse de se retrancher dans sa mosquée. Même si elles sont devenues rares, les prises de parole de l’ancien Président du Haut Conseil islamique sont scrutées par les tenants du pouvoir. Lors du dernier Forum de Bamako en plein bras de fer entre le gouvernement de transition et la Cedeao, l’Imam Mahmoud Dicko a lancé une bombe en disant que « le peuple est pris en otage ». Au niveau de certains milieux du pouvoir transitoire, certains sermons de l’Imam Dicko sont perçus comme des critiques qui passent mal à travers les gorges des soutiens des autorités politico-militaires. Il lance des véritables piques à l’endroit du pouvoir en place sans citer nommément mais chacun s’y reconnaîtrait. Ces sorties enflamment les réseaux sociaux pendant plusieurs jours. Pour ne rien arranger, le mouvement politique des partisans de l’Imam en occurrence la CMAS a récemment publié un communiqué dans lequel elle s’oppose à l’organisation du referendum. Le mouvement politique estime que le président de la transition n’est pas légitime d’organiser ce referendum.
Tout porte à croire que l’ancienne autorité morale du M5-RFP dérange quelqu’un ? Qui ? Les colonels dont certains ont mis une croix sur le chemin de Badalabougou où ils passaient des heures aux premières heures des événements du 18 août 2020 sont-ils décidés d’en finir avec le Vieux ?
Il n’y a pas de combattant dans un bateau. C’est visible dans les faits que le Président de la transition reste le seul capitaine de bord grâce à son audace de tenir tête à la communauté internationale et à l’ex puissance colonisatrice, la France. Une audace accompagnée d’une communication spectaculaire fait de lui, un panafricaniste exemplaire et qui doit servir de modèle. Dans le souci de capitaliser cette popularité sous le signe de la souveraineté retrouvé, il est hors question que d’autres personnes influentes puissent lui faire ombrage.
Le soutien populaire dont bénéficient les autorités de transition met l’imam Dicko dans une position un peu inconfortable affaiblie. Mais, les autorités ne doivent pas oublier que certaines actions venantes de leur part feront passer très vite l’Imam Dicko aux yeux d’une frange importante de l’opinion comme une victime. Et surtout l’autorité morale du M5-RFP est un homme très habile, un fin tacticien qui sait avancer ses pions au moment opportun. Quand il tire, l’Imam rate difficilement sa cible. Les autorités politico-militaires de transition ont-elles un antidote fort contre le très influent Mahmoud Dicko ?
Modibo FOFANA
source: mali24.info